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1 January 2012 Analyse de la Flore des Alpes. 3: Biologie et Phénologie
David Aeschimann, Nathalie Rasolofo, Jean-Paul Theurillat
Author Affiliations +
Abstract

Aeschimann, D., N. Rasolofo & J.-P. Theurillat (2012). Analysis of the flora of the Alps. 3: biology and phenology. Candollea 67: 5–21. In French, English and French abstracts.

The third in a series, this paper continues the statistical analyses of the data published in «Flora alpina», focusing on that which concerns the biology (longevity, biological forms and plant height) and phenology of taxa. Expressed as percentages, the results concerning the flora are envisaged globally, by vegetation belt, by administrative division and by floristic contingent. Several cartographic patterns are presented and it is shown that, in the Alps, the percentage of annual taxa is positively correlated with the relative weight of the Mediterranean contingent, as well as with the taxonomic richness. Inversely, the percentage of perennial taxa is negatively correlated with the same data. The results confirm the predictive value of the percentages of chamaephytes in bioclimatology. Overall, more than 63% of the taxa recorded in the Alps count in the class of plant height between 20 and 40 cm, whereas 61 % of the taxa recorded in the alpine vegetation belt count in the class between 10 and 20 cm. In June, the highest percentage of taxa potentially flowering, which is 77%, is reached in the colline belt whereas for all the other vegetation belts it is in July when this percentage is at its highest, reaching even 100 % in the nival belt.

Introduction

Cet article poursuit une série (Aeschimann & al., 2011a, b) consacrée à l'analyse statistique des données publiées dans le «Flora alpina» (Aeschimann & al., 2004), où les matières concernant la nomenclature, la biodiversité et la chorologie ont déjà été abordées. Ce troisième travail est consacré aux rubriques 10, 11, 12 et 14 des fiches du «Flora alpina» (1: 22- 24), qui concernent la biologie (longévité, formes biologiques et hauteur) et la phénologie de chaque taxon. Les autres données (écologie, milieux et phytosociologie), soit celles des rubriques 18, 19, 21 et 22 des fiches du «Flora alpina» seront analysées dans les prochains articles de cette série (en préparation). L'objectif est ici de répondre à diverses questions, correspondant aux quatre sections reprises dans les chapitres suivants.

  1. Quels sont les pourcentages de taxons dans chaque catégorie de longévité, la flore considérée globalement, par étage de végétation, par division administrative et par contingent floristique?

  2. Quels sont les pourcentages de taxons dans chaque catégorie de formes biologiques, la flore considérée globalement, par étage de végétation, par division administrative et par contingent floristique?

  3. Quels sont les pourcentages de taxons dans chaque classe de hauteur des plantes, la flore considérée globalement, par étage de végétation et par contingent floristique?

  4. Quels sont les pourcentages de taxons potentiellement en fleurs chaque mois de l'année, la flore considérée globalement, par étage de végétation, par division administrative, par contingent floristique, par catégories de longévité et de formes biologiques? Quels sont les pourcentages de taxons dans chaque classe d'amplitude (ou durée) de la floraison, la flore considérée globalement et par étage de végétation?

Matériel et méthodes

Les informations générales concernant cette série d'analyses de la Flore des Alpes ont été fournies précédemment (Aeschimann & al., 2011a: 28–31), soit celles traitant de la dition, de ses secteurs et de ses divisions administratives, ainsi que celles relatives aux taxons considérés, aux indications chorologiques et à la base de données. Les informations correspondant aux étages de végétation, de même que celles concernant les distributions mondiales des taxons figurent dans le second article (Aeschimann & al., 2011b: 226–228). Seuls les renseignements spécifiques au présent travail sont donnés ci-dessous.

Dans cet article, l'ensemble des 4485 taxons recensés dans le «Flora alpina» est considéré, sauf pour les six patrons cartographiques présentés, qui ne reflètent que la flore indigène totale (= endémiques+indigènes, xénophytes exclus), de manière à pouvoir rechercher d'éventuelles corrélations avec certains patrons précédemment publiés et ne traitant eux aussi que de la flore indigène totale.

Pour la longévité et les formes biologiques, les catégories parfois indiquées entre parenthèses dans le «Flora alpina» pour certains taxons sont comptées à part entière dans les présentes analyses. Les résultats sont exprimés en pourcentages du total de taxons d'un groupe étudié, ce qui permet chaque fois de calculer le nombre de taxons concernés par une catégorie. Comme certains taxons comptent simultanément dans plusieurs catégories, les pourcentages totaux se situent généralement aux environs de 115%. Le lecteur désireux d'obtenir pour un groupe des données sur 100% peut le faire aisément par des règles de trois.

Longévité des taxons

Les cinq catégories retenues dans le «Flora alpina» (1: 22) quant à la longévité de la plante sont ici utilisées dans les statistiques: arbres, arbustes, vivaces, bisannuelles et annuelles.

Formes biologiques

Les sept catégories de formes (ou types) biologiques retenues correspondent à la conception classique de Raunkiaer (1904; 1934: 1, 16–19):

  • Phanérophytes: bourgeons de survie situés à plus d'environ 50 cm du sol.

  • Chaméphytes: bourgeons de survie situés à moins d'environ 50 cm du sol, mais au-dessus de sa surface.

  • Hémicryptophytes: bourgeons de survie situés à la surface du sol.

  • Géophytes: bourgeons de survie situés sous la surface du sol.

  • Hélophytes: bourgeons de survie situés sous l'eau, mais une partie des feuilles et les fleurs émergent distinctement. Hydrophytes: bourgeons de survie situés sous l'eau, les feuilles étant immergées ou nageantes (seules quelques fleurs pouvant un peu émerger).

  • Thérophytes: plantes annuelles survivant sous forme de graines.

Les indications complémentaires publiées dans le «Flora alpina» concernant les lianes ne sont ici pas prises en considération.

Hauteur des taxons

Douze classes de hauteur des plantes sont définies: 0–5 cm, 5–10 cm, 10–20 cm, 20–40 cm, 40–60 cm, 60–80 cm, 80–100 cm, 1–2 m, 2–4 m, 4–8 m, 8–30 m et >30 m. Chaque taxon compte dans une ou plusieurs de ces classes selon l'intervalle indiqué dans le «Flora alpina».

Phénologie

Le «Flora alpina» donne la période de floraison (sporulation chez les Ptéridophytes) de chaque taxon, en considérant l'ensemble de l'arc alpin et tous les étages de végétation. Ces indications sont donc à considérer comme potentielles, un taxon ne fleurissant pas obligatoirement partout et à toutes les altitudes durant la totalité de la période indiquée. Dès lors, tout en présentant un intérêt, les résultats ici publiés contiennent un biais et doivent être interprétés avec prudence.

Résultats et discussions

Longévité des taxons

1. Données générales

Près de 70% des 4485 taxons recensés dans le «Flora alpina» comptent parmi les plantes vivaces et l'on dénombre près de 22% de taxons dans la catégorie des plantes annuelles (tableau 1). Parmi les endémiques, les vivaces dominent plus nettement, avec près de 89% de taxons concernés, alors que les taux relevés chez les indigènes (non endémiques) sont comparables à ceux de la flore totale. En revanche, parmi les xénophytes, la catégorie dominante est celle des plantes annuelles, avec près de 42% de taxons concernés, les vivaces ne réunissant alors que près de 41% des taxons. D'autre part, on note chez les xénophytes un pourcentage d'arbres plus de trois fois supérieur à celui relevé pour la flore indigène totale, le pourcentage d'arbustes n'étant lui que près de deux fois supérieur. Ces résultats confirment les constats d'Ozenda (1985: 36) quant à la pauvreté relative en arbres de la flore indigène des Alpes et sa diversité plus élevée en arbustes.

Tableau 1.

Pourcentages de taxons dans les cinq catégories de longévité, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour la flore totale et ses sous-ensembles. En gras le plus haut pourcentage de chaque colonne, le maximum absolu étant de plus encadré.

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Tableau 2.

Pourcentages de taxons dans les cinq catégories de longévité, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour chaque étage de végétation. En gras le plus haut pourcentage de chaque colonne, le maximum absolu étant de plus encadré.

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2. Etages de végétation

Le pourcentage de taxons comptés parmi les plantes vivaces augmente régulièrement de l'étage collinéen (près de 64%) jusqu'aux étages alpin et nival, où il atteint plus de 90% (tableau 2). En revanche, les pourcentages relevés pour les quatre autres catégories de longévité diminuent tous en fonction de l'altitude, bien qu'une légère augmentation de la proportion d'arbustes soit constatée de l'étage alpin à l'étage nival. Ce sont des arbustes nains à l'étage nival, parmi lesquels Androsace helvetica, Potentilla nitida et Salix retusa sont des exemples caractéristiques. La diminution du pourcentage d'annuelles de l'étage collinéen à l'étage nival est particulièrement forte, puisqu'elle atteint un facteur de 6,8.

3. Patrons cartographiques

Calculés pour chacune des 29 divisions administratives établies, les pourcentages de taxons des cinq catégories de longévité permettent de dresser des cartes de l'arc alpin, parmi lesquelles les deux patrons des figures 1 et 2 sont les plus éloquents. Une forte corrélation négative (R2 = 0,93, régression non développée ici) peut être mise en évidence entre le pourcentage de taxons vivaces (fig. 1) et le poids relatif du cortège floristique méditerranéen, dont le patron cartographique a été publié précédemment (Aeschimann & al., 2011b: 248). Comme la richesse aréale dans chaque division administrative (Aeschimann & al., 2011a: 46) est elle-même corrélée au poids du cortège floristique méditerranéen (Aeschimann & al., 2011b: 248–249), une corrélation négative est aussi démontrée entre le pourcentage de taxons vivaces et la richesse aréale (R2 = 0,7). A l'inverse, une corrélation positive (R2 = 0,81) est établie entre le pourcentage de taxons annuels (fig. 2) et le poids du cortège floristique méditerranéen, de même qu'avec la richesse aréale (R2 = 0,68). Le niveau thermique augmente les possibilités de développement des taxons annuels et ainsi la richesse aréale.

Fig. 1.

Carte de la dition avec, par division administrative, le pourcentage de taxons vivaces, seule la flore indigène totale (endémiques+indigènes) étant ici considérée. Quatre classes sont définies : blanc : ≤ 69,9%; gris clair : 70,0–73,9 %; gris foncé : 74,0–77,9 %; noir : ≥ 78,0%.

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Fig. 2.

Carte de la dition avec, par division administrative, le pourcentage de taxons annuels, seule la flore indigène totale (endémiques+indigènes) étant ici considérée. Quatre classes sont définies : blanc : ≤ 15,9%; gris clair : 16,0–18,9%; gris foncé : 19,0–21,9%; noir : ≥ 22,0%.

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4. Contingents floristiques

Le tableau 3 exprime les pourcentages de taxons des cinq catégories de longévité pour les quatre principaux contingents floristiques mis en évidence précédemment (Aeschimann & al., 2011b: 244), ainsi que pour le cortège floristique arcticoalpin qui occupe le second rang en importance aux étages alpin et nival. Plus de 87% des taxons des cortèges sud-européenmontagnard et arctico-alpin comptent parmi les plantes vivaces, une proportion comparable à celle des vivaces aux étages subalpin, alpin et nival (tableau 2), étages où les cortèges sudeuropéen- montagnard et arctico-alpin sont justement dominants (Aeschimann & al., 2011b: 246). Le froid sélectionne donc les taxons vivaces. A l'inverse, plus de 51% des taxons du cortège méditerranéen comptent parmi les plantes annuelles et seulement 38% parmi les vivaces, un résultat qui corrobore les corrélations mises en évidence plus haut, ainsi que la forte proportion d'annuelles à l'étage collinéen (26,7%, tableau 2), où domine le cortège méditerranéen (Aeschimann & al., 2011b: 246). Le contingent européen montre une proportion de plantes vivaces (76%) comparable à celle de l'ensemble de la flore indigène (73%, tableau 1), alors que le contingent eurasiatique se caractérise par des proportions plus équilibrées entre plantes vivaces (65,5%) et annuelles (24,6%), le pourcentage assez élevé de ces dernières s'expliquant par le fait que l'aire de distribution de nombreux taxons annuels des régions sèches du centre de l'Asie s'étend jusqu'aux Alpes.

Tableau 3.

Pourcentages de taxons dans les cinq catégories de longévité, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour cinq contingents floristiques sélectionnés. En gras le plus haut pourcentage de chaque colonne, le maximum absolu étant de plus encadré.

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Tableau 4.

Pourcentages de taxons dans les sept catégories de formes biologiques, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour la flore totale et ses sous-ensembles. En gras le plus haut pourcentage de chaque colonne, le maximum absolu étant de plus encadré.

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Formes biologiques

1. Données générales

Plus de 55% des 4485 taxons recensés dans le «Flora alpina» comptent parmi les hémicryptophytes (tableau 4), un résultat comparable à ceux d'études locales dans les Alpes comme celles d'Argenti & Lasen (2001: 182) et Prosser (2009: 99), ou de statistiques générales dans d'autres chaînes de montagnes, comme le montre par exemple le travail d'Uzunov & Gussev (2003: 768) en Bulgarie. Chez les endémiques, qui rassemblent peu de thérophytes (annuelles), ce taux dépasse 70% et la forte proportion de chaméphytes (24,2%) s'explique par le fait que non seulement des arbustes nains, mais aussi des plantes vivaces peu ligneuses ou suffrutescentes comptent parmi les chaméphytes. En revanche, parmi les xénophytes, les thérophytes sont dominantes (41,6%) et l'on ne dénombre qu'un peu plus de 30% d'hémicryptophytes, mais près de 20% de phanérophytes, beaucoup de plantes introduites étant en effet des arbres et arbustes (tableau 1). En Corse également, Jeanmonod & al. (2011b: 90) relèvent une forte proportion de phanérophytes parmi les xénophytes (plus de 24%).

2. Etages de végétation

Le pourcentage de chaméphytes augmente régulièrement de l'étage collinéen (9,5%) à l'étage nival, où il atteint près de 40% (tableau 5). Du point de vue bioclimatique, ces chiffres confirment la bonne valeur prédictive des pourcentages de chaméphytes, les «Chamaephyte Biochores» de Raunkiaer (1934: 132–134), auteur qui distingue une zone tempérée froide lorsqu'on dénombre moins de 10% de chaméphytes (correspondant à l'étage collinéen dans le tableau 5), une zone boréale entre 10 et 20% (étages montagnard et subalpin), une zone arctique entre 20 et 30% (étage alpin) et enfin une zone arctique nivale lorsqu'on dénombre plus de 30% de chaméphytes (étage nival). La proportion d'hémicryptophytes augmente quant à elle de l'étage collinéen (50,4%) à l'étage alpin (73,1%), mais elle fléchit à l'étage nival (67,8%) où beaucoup de plantes vivaces peu ou pas ligneuses comptent parmi les chaméphytes, comme par exemple Arenaria biflora, Artemisia glacialis, Draba hoppeana et Herniaria alpina, ainsi que Saxifraga oppositifolia qui fleurit à 4505 m sur le Dom des Mischabel, record absolu pour les Alpes (Körner, 2011). Tous ces résultats concernant les chaméphytes et les hémicryptophytes corroborent ceux présentés par Raunkiaer (1934: 134–140) pour les Alpes, mais aussi pour les Carpates et le Caucase, ainsi que ceux de Theurillat & al. (2003: 188) pour les Alpes valaisannes, ceux de Breckle in Körner (2003: 18) pour l'Hindu-Kush et ceux de Raunkiaer in Wielgolaski (1997: 39) pour le sud de la Norvège (où l'on relève toutefois des proportions d'hélophytes sensiblement plus hautes). Les forts pourcentages d'hémicryptophytes et de chaméphytes dans les étages supérieurs des Alpes sont en accord avec les proportions élevées d'endémiques et de représentants des cortèges floristiques sud-européen-montagnard et arctico-alpin relevées en altitude (Aeschimann & al., 2011b: 237, 246). Les pourcentages des cinq autres catégories de formes bio logiques diminuent tous en fonction de l'altitude. Globalement, les résultats du tableau 5 sont en plein accord avec les pourcentages fournis pour la Suisse à de basses altitudes (< 1000 m) et à de hautes altitudes (> 2500 m) par Ozenda (1985: 242) et Ozenda & Borel (2003: 60), qui ont compilé certaines données de Raunkiaer. Les pourcentages relevés pour l'étage collinéen sur l'ensemble de l'arc alpin peuvent être comparés à ceux présentés pour le canton de Genève par Theurillat & al. (2011: 89–90), même si la proportion d'hémicryptophytes y est un peu plus faible et celle des thérophytes un peu plus élevée, du fait de l'importance relative des surfaces de culture favorisant ces dernières.

Tableau 5.

Pourcentages de taxons dans les sept catégories de formes biologiques, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour chaque étage de végétation. En gras le plus haut pourcentage de chaque colonne, le maximum absolu étant de plus encadré.

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Tableau 6.

Pourcentages de taxons dans les sept catégories de formes biologiques, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour cinq contingents floristiques sélectionnés. En gras le plus haut pourcentage de chaque colonne, le maximum absolu étant de plus encadré.

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3. Patrons cartographiques

Parmi les cartes dressées sur la base des pourcentages de taxons des sept catégories de formes biologiques, deux patrons caractéristiques sont publiés ici (fig. 3 et 4). Une corrélation négative (R2 = 0,74) peut être mise en évidence entre le pourcentage d'hélophytes (fig. 3) et le poids relatif du cortège floristique méditerranéen. Pour les hydrophytes (fig. 4), la même corrélation négative est légèrement moins marquée (R2 = 0,69), cette catégorie dépendant aussi de facteurs topographiques qui régissent la taille et la densité des plans d'eau.

4. Contingents floristiques

Plus de 67% des taxons des cortèges sud-européen-montagnard et arctico-alpin comptent parmi les hémicryptophytes (tableau 6), un résultat comparable à ceux de cette catégorie aux étages subalpin, alpin et nival (tableau 5), où dominent les taxons sud-européen-montagnards et arctico-alpins. Les forts pourcentages de chaméphytes dans ces deux cortèges s'accordent également avec ceux de cette même catégorie dans les trois étages supérieurs. A l'inverse, plus de 51% des taxons du cortège méditerranéen comptent parmi les thérophytes et seulement 34% parmi les hémicryptophytes. En Corse, où la part du cortège méditerranéen est plus importante que dans les Alpes, Jeanmonod & al. (2011a: 16–18) relèvent en toute logique un pourcentage de thérophytes intermédiaire (32,85%) entre ceux calculés pour l'ensemble de la Flore des Alpes (tableau 4: 21,8%) et pour sa seule fraction méditerranéenne (tableau 6: 51,5%). Parmi les taxons du contingent eurasiatique, les proportions de phanérophytes (11,3%), hélophytes (3,3%) et hydrophytes (3%) sont les plus fortes relevées dans le tableau 6 pour ces trois catégories. En effet, les plantes ligneuses, paludéennes et aquatiques sont connues pour montrer souvent de très larges aires de distribution.

Hauteur des taxons

1. Etages de végétation

Plus de 63% des 4485 taxons recensés dans le «Flora alpina» comptent dans la classe des plantes hautes de 20 à 40 cm et près de 48% dans celle de 40 à 60 cm (tableau 7). Aux étages collinéen et montagnard, les tailles des plantes sont légèrement plus grandes que celles relevées en moyenne pour l'ensemble de la flore. En revanche, dès l'étage subalpin, le pourcentage de taxons dénombrés dans la classe de 20 à 40 cm baisse à 61% et le second rang revient à la classe de 10 à 20 cm, avec près de 51% de taxons concernés, alors qu'à l'étage alpin près de 61% de taxons sont dénombrés dans cette même classe de 10 à 20 cm et seulement 51% dans celle de 20 à 40 cm. A l'étage nival, un peu plus de 61% des taxons comptent dans la classe de 5 à 10 cm, près de 57% dans celle de 10 à 20 cm et encore plus de 49% dans celle de 0 à 5 cm.

Enfin, notons encore qu'à l'étage alpin, seulement à peine plus de 12% des taxons peuvent dépasser 60 cm de hauteur et qu'à l'étage nival seulement près de 3% des taxons peuvent dépasser 40 cm.

2. Contingents floristiques

Près de 53% des taxons du cortège floristique sud-européen- montagnard comptent dans la classe des plantes hautes de 20 à 40 cm et 52,5% dans celle de 10 à 20 cm (tableau 8). Ces pourcentages se situent entre ceux enregistrés pour les étages subalpin et alpin (tableau 7). Avec près de 77% de taxons comptant dans la classe de 10 à 20 cm et plus de 65% dans celle de 5 à 10 cm, les pourcentages du cortège arcticoalpin sont proches de ceux relevés aux étages alpin et nival. Les résultats des contingents européen et méditerranéen sont proches de ceux enregistrés à l'étage collinéen, alors qu'au sein du contingent eurasiatique, les tailles des plantes sont un peu plus grandes, puisque 67,5% d'entre elles comptent dans la classe de 40 à 60 cm, près de 47% dans celle de 60 à 80 cm et encore près de 32% dans celle de 80 à 100 cm.

Phénologie

1. Données générales

Sur l'ensemble des 4485 taxons recensés dans le «Flora alpina», avril est le premier mois où la floraison concerne potentiellement près de 20% des taxons (tableau 9) et juillet est le mois où l'on dénombre le plus de taxons en fleurs, soit 79%, mais l'on en compte déjà plus de 73% au mois de juin. Près de 29% des taxons peuvent encore fleurir en septembre, mais dès le mois d'octobre le pourcentage chute en dessous de 9%. De janvier à mars, ce sont les xénophytes qui montrent les plus hauts pourcentages de taxons en fleurs (près de 7% en mars). D'avril à juin, on dénombre le plus de taxons en fleurs parmi les indigènes non endémiques, alors qu'en juillet et août ce sont les endémiques qui montrent les plus hauts pourcentages (près de 91% en juillet). De septembre à décembre, ce sont les xénophytes qui comptent à nouveau le plus de taxons potentiellement en fleurs (encore près de 45% en septembre et près de 19% en octobre). Toute la période allant de septembre à mars est donc dominée par les floraisons des xénophytes.

Le mois de juin est celui qui est marqué par le plus haut pourcentage de débuts de floraison, puisqu'un peu plus de 31% des taxons du «Flora alpina» sont concernés; il est suivi de très près par le mois de mai avec plus de 30% (tableau 10). Près de la moitié des taxons qui commencent à fleurir en juin le font pour une durée (amplitude de la floraison) de trois mois (14,74%). Le pourcentage de débuts de floraison tombe à un peu plus de 17% en juillet et à 14% en avril. Près de la moitié des taxons qui commencent à fleurir en juillet le font pour une durée de seulement deux mois (8,09%), alors que plus du tiers de ceux dont la floraison débute en avril le font pour trois mois (5,37%).

Fig. 3.

Carte de la dition avec, par division administrative, le pourcentage d'hélophytes, seule la flore indigène totale (endémiques+indigènes) étant ici considérée. Quatre classes sont définies : blanc : ≤ 1,8%; gris clair : 1,9–2,3 %; gris foncé : 2,4–2,8 %; noir : ≥ 2,9%.

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Fig. 4.

Carte de la dition avec, par division administrative, le pourcentage d'hydrophytes, seule la flore indigène totale (endémiques+indigènes) étant ici considérée. Quatre classes sont définies : blanc : ≤ 1,6%; gris clair : 1,7–2,1 %; gris foncé : 2,2–2,6 %; noir : ≥ 2,7%.

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Tableau 7.

Pourcentages de taxons dans les douze classes de hauteur des plantes, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour la flore totale et chaque étage de végétation. En gras et encadré le plus haut pourcentage de chaque colonne. En gras, mais non encadré, le second plus haut pourcentage de chaque colonne.

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Tableau 8.

Pourcentages de taxons dans les douze classes de hauteur des plantes, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour cinq contingents floristiques sélectionnés. En gras et encadré le plus haut pourcentage de chaque colonne. En gras, mais non encadré, le second plus haut pourcentage de chaque colonne.

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Tableau 9.

Pourcentages de taxons potentiellement en fleurs chaque mois de l'année, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour la flore totale et ses sous-ensembles. En gras le plus haut pourcentage de chaque mois, le maximum absolu étant de plus encadré.

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Tableau 10.

Pourcentages de taxons débutant leur floraison au cours de chaque mois de l'année (totaux de la colonne de droite), ainsi que dans chaque classe d'amplitude de la floraison, de 1 à 12 mois (pourcentages calculés sur le total des 4485 taxons recensés dans le «Flora alpina»). En gras et encadrés les plus hauts pourcentages mensuels. En gras, mais non encadrés, les seconds plus hauts pourcentages mensuels.

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Fig. 5.

Pourcentages de taxons potentiellement en fleurs chaque mois de l'année, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour chaque étage de végétation.

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2. Etages de végétation

A l'étage collinéen, c'est en juin que le plus haut pourcentage de taxons potentiellement en fleurs est atteint, soit plus de 77%, alors que pour tous les autres étages c'est en juillet qu'un maximum de floraison se révèle, avec même la totalité des 152 taxons de l'étage nival en fleurs au cours de ce mois, ainsi que près de 95% de ceux de l'étage alpin (fig. 5). En mai, seuls les étages collinéen et montagnard peuvent déjà voir plus de la moitié de leurs taxons en fleurs, alors qu'en juin seulement un peu plus du tiers des taxons de l'étage nival sont potentiellement en fleurs. En août, le pourcentage de l'étage nival est encore supérieur à 91%, alors que celui de l'étage collinéen chute à un peu plus de 54%. En septembre en revanche, le pourcentage de l'étage collinéen est encore supérieur à 31 %, alors que celui de l'étage nival tombe à près de 24%. Ce dernier pourcentage est toutefois légèrement au-dessus de celui de l'étage alpin au même mois, soit un peu plus de 21%, ce qu'on explique par le fait que beaucoup de taxons commencent à fleurir en juin déjà à l'étage alpin, ce qui n'est pas le cas à l'étage nival, où certaines floraisons débutées en juillet se terminent courant septembre. La figure 5 illustre bien la brièveté et l'intensité de la floraison aux étages alpin et nival.

Les courbes de floraison établies pour les étages alpin et subalpin en Corse par Jeanmonod & al. (2011a: 21) sont sensiblement les mêmes que celles de ces deux étages dans les Alpes (fig. 5). Au mois de juillet, les pourcentages de floraison relevés à l'étage alpin en Corse (94,2%) et dans les Alpes (94,6%) sont même presque identiques. Pour les étages montagnard et supraméditerranéen (= collinéen dans les Alpes), on constate en revanche une légère avance de floraison en Corse par rapport aux Alpes.

Tableau 11.

Pourcentages de taxons dans chaque classe d'amplitude de la floraison, de 1 à 12 mois, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour la flore totale et chaque étage de végétation. En gras et encadré le plus haut pourcentage de chaque colonne. En gras, mais non encadré, le second plus haut pourcentage de chaque colonne.

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Plus de 42% des 4485 taxons recensés dans le «Flora alpina» ont une amplitude potentielle de floraison de trois mois et pour près de 25% des taxons cette amplitude n'est plus que de deux mois (tableau 11). Aux étages collinéen et montagnard, les pourcentages d'amplitude de floraison de trois mois sont sensiblement les mêmes que pour l'ensemble de la flore, mais le second rang revient à une amplitude de quatre mois. A l'étage subalpin, tous les pourcentages d'amplitude de floraison sont sensiblement les mêmes que pour l'ensemble de la flore. A l'étage alpin, l'amplitude de floraison de deux mois arrive au second rang avec près de 32% des taxons et seulement 17,3% des taxons ont une amplitude de quatre mois. Enfin, à l'étage nival, plus de 46% des taxons ont une amplitude de deux mois et plus de 40% une amplitude de trois mois. Autrement dit, l'amplitude de floraison de près de 90% des taxons de l'étage nival est inférieure ou égale à trois mois, alors que pour près de 10% cette amplitude n'excède pas quatre mois. Du fait que la durée de la période de végétation dans le bas de l'étage nival est de moins de deux mois, il ressort bien que les amplitudes indiquées sont seulement potentielles.

3. Patrons cartographiques

Parmi la douzaine de cartes des Alpes dressées sur la base des pourcentages de taxons potentiellement en fleurs durant chacun des mois de l'année, deux sont publiées ici, pour avril et juillet (fig. 6 et 7). Le patron cartographique d'avril (fig. 6), premier mois de l'année où près de 20% des taxons sont concernés, montre une corrélation positive (R2 = 0,69) avec le poids relatif du cortège floristique méditerranéen (Aeschimann & al., 2011b: 248). A l'inverse, le patron du mois de juillet (fig. 7), celui durant lequel on compte le plus de taxons en fleurs dans les Alpes (environ 80%), montre quant à lui une corrélation négative (R2 = 0,57) avec le poids du cortège méditerranéen.

Fig. 6.

Carte de la dition avec, par division administrative, le pourcentage de taxons potentiellement en fleurs en avril, seule la flore indigène totale (endémiques+indigènes) étant ici considérée. Quatre classes sont définies : blanc : ≤ 17,9 %; gris clair : 18,0–19,9%; gris foncé : 20,0–21,9%; noir : ≥ 22,0%.

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Fig. 7.

Carte de la dition avec, par division administrative, le pourcentage de taxons potentiellement en fleurs en juillet, seule la flore indigène totale (endémiques+indigènes) étant ici considérée. Quatre classes sont définies : blanc : ≤ 80,5%; gris clair : 80,6–82,5 %; gris foncé : 82,6–84,5 %; noir : ≥ 84,6%.

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4. Contingents floristiques

De janvier à juin, c'est chaque fois le cortège floristique méditerranéen qui montre le plus haut pourcentage de taxons potentiellement en fleurs (tableau 12) et, à l'inverse, le plus faible pourcentage revient au cortège arctico-alpin, l'avantdernier rang étant occupé par le cortège sud-européen-montagnard durant ces six premiers mois de l'année. Dès le mois de mars, on compte déjà plus de 10% de taxons méditerranéens en fleurs, près de 40% dès le mois d'avril et un maximum annuel pour ce cortège floristique de près de 80% en juin. En juillet et août, c'est en revanche le cortège arctico-alpin qui montre nettement le plus haut pourcentage, avec même plus de 98% en juillet, alors que le dernier rang revient au cortège méditerranéen durant ces deux mois d'été. Les pourcentages d'avril et de juillet sont en plein accord avec les corrélations mentionnées dans le paragraphe précédent. En septembre, c'est le contingent eurasiatique qui montre le plus haut pourcentage de taxons potentiellement en fleurs. D'octobre à décembre, le premier rang revient à nouveau au cortège méditerranéen, avec encore près de 12% de taxons en fleurs en octobre. Toute la période allant d'octobre à juin est donc dominée par les floraisons des taxons méditerranéens.

La courbe de floraison du cortège méditerranéen est comparable à celle de la flore indigène de la Corse, où Jeanmonod & al. (2011a: 20) relèvent un maximum de floraison en juin, alors que dans les Alpes ce maximum est enregistré en juillet (tableau 9).

5. Longévité des taxons

Les arbres sont les plus précoces et leur plus haut pourcentage de taxons potentiellement en fleurs est en mai, soit 79% (fig. 8). Viennent ensuite les arbustes avec un maximum en juin à 76%. Le plus haut pourcentage de taxons en fleurs des trois autres catégories de longévité est atteint en juillet, soit 82% pour les annuelles, 90% pour les bisannuelles et 83% pour les vivaces. Une simple lecture visuelle des courbes de la figure 8 montre que l'amplitude de floraison d'une catégorie est inversement proportionnelle à sa longévité. Ainsi, la période où l'on dénombre 50% d'arbres en fleurs dure un peu plus de deux mois, alors que celle où 50% d'annuelles fleurissent dure environ quatre mois.

Tableau 12.

Pourcentages de taxons potentiellement en fleurs chaque mois de l'année, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour cinq contingents floristiques sélectionnés. En gras le plus haut pourcentage de chaque mois, le maximum absolu étant de plus encadré.

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6. Formes biologiques

De janvier à mai, ce sont les phanérophytes qui montrent le plus haut pourcentage de taxons potentiellement en fleurs et près de 70% d'entre eux fleurissent en mai (tableau 13). Cependant, le pourcentage de géophytes en fleurs en avril est déjà très important, soit plus de 30%, et celui des thérophytes en fleurs en mai dépasse déjà 58%. En juin, le premier rang revient aux hélophytes, avec plus de 86% de taxons en fleurs, mais on en relève aussi plus de 80% chez les thérophytes. En juillet et août, ce sont les hydrophytes qui comptent la plus forte proportion de taxons en fleurs et ils atteignent en juillet le maximum mensuel absolu d'une catégorie de formes biologiques, avec près de 94%. En juillet également, les pourcentages de chaméphytes et d'hémicryptophytes en fleurs sont très élevés, respectivement 86% et 88%, deux catégories qui jouent un rôle fondamental aux étages alpin et nival (voir plus haut). C'est en juillet aussi que le pourcentage maximal de thérophytes en fleurs est atteint, soit plus de 82%, mais déjà le pourcentage de géophytes fléchit à 61%. En août, tous les pourcentages diminuent de façon marquée, sauf celui des hydrophytes, qui comptent encore presque 91% de taxons en fleurs. En septembre, le premier rang revient encore aux hydrophytes, mais avec un pourcentage légèrement inférieur à 50% et celui des thérophytes est alors très proche, dépassant 47%. D'octobre à décembre, ce sont les thérophytes qui montrent le plus haut pourcentage de taxons en fleurs, avec même encore 20% en octobre.

Fig. 8.

Pourcentages de taxons potentiellement en fleurs chaque mois de l'année, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour les cinq catégories de longévité

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Tableau 13.

Pourcentages de taxons potentiellement en fleurs chaque mois de l'année, calculés sur les nombres totaux de taxons indiqués entre crochets pour les sept catégories de formes biologiques. En gras le plus haut pourcentage de chaque mois, le maximum absolu étant de plus encadré.

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La précocité des phanérophytes et le maximum estival de floraison potentielle des hydrophytes sont aussi constatés en Corse par Jeanmonod & al. (2011a: 21). En revanche, les thérophytes sont plus tardives dans les Alpes, avec un maximum de floraison en juillet, alors qu'en Corse le plus fort pourcentage de floraison pour cette catégorie est déjà relevé en mai.

Conclusions

Longévité des taxons

  1. Près de 70% des taxons recensés dans les Alpes comptent parmi les plantes vivaces et 22% parmi les annuelles. Chez les endémiques, les vivaces dominent encore plus nettement (89%), alors que parmi les xénophytes ce sont les plantes annuelles qui priment (42%).

  2. Le pourcentage de plantes vivaces augmente régulièrement de l'étage collinéen (64%) jusqu'aux étages alpin et nival (90%). A l'inverse, on compte sept fois moins d'annuelles à l'étage nival qu'au collinéen.

  3. Une forte corrélation négative existe entre le pourcentage de taxons vivaces par division administrative et le poids relatif du cortège floristique méditerranéen (R2 = 0,93), ainsi qu'avec la richesse aréale (R2 = 0,7). A l'inverse, une corrélation positive existe entre le pourcentage d'annuelles et le poids du cortège méditerranéen (R2 = 0,81), ainsi qu'avec la richesse aréale (R2 = 0,68).

  4. Plus de 87% des taxons des cortèges floristiques sudeuropéen- montagnard et arctico-alpin comptent parmi les plantes vivaces. A l'inverse, 51% des taxons du cortège méditerranéen comptent parmi les annuelles et seulement 38% parmi les vivaces. Le contingent européen montre une proportion de vivaces (76%) comparable à celle de l'ensemble de la flore indigène (73%), alors que le contingent eurasiatique présente des proportions plus équilibrées entre vivaces (65%) et annuelles (25%).

Formes biologiques

  1. Plus de 55% des taxons recensés dans les Alpes comptent parmi les hémicryptophytes. Chez les endémiques, ce taux dépasse 70% et la proportion de chaméphytes est élevée (24%). Parmi les xénophytes, les thérophytes dominent (42%) et l'on ne compte que 30% d'hémicryptophytes, mais 20% de phanérophytes.

  2. Le pourcentage de chaméphytes augmente régulièrement de l'étage collinéen (9%) à l'étage nival (40%), confirmant la valeur prédictive des pourcentages de chaméphytes en bioclimatologie. La proportion d'hémicryptophytes augmente aussi de l'étage collinéen (50%) à l'étage alpin (73%), mais elle fléchit à l'étage nival (68%), où nombreuses sont les plantes vivaces peu ou pas ligneuses qui comptent parmi les chaméphytes, comme Saxifraga oppositifolia. Les pourcentages des autres formes biologiques diminuent tous en fonction de l'altitude.

  3. Une corrélation négative existe entre le pourcentage d'hélophytes par division administrative et le poids relatif du cortège floristique méditerranéen (R2 = 0,74). Pour les hydrophytes, la même corrélation est moins marquée (R2 = 0,69).

  4. Plus de 67% des taxons des cortèges floristiques sudeuropéen- montagnard et arctico-alpin comptent parmi les hémicryptophytes (ainsi que plus de 20% parmi les chaméphytes). A l'inverse, 51% des taxons du cortège méditerranéen comptent parmi les thérophytes et seulement 34% parmi les hémicryptophytes. Le contingent eurasiatique montre les proportions de phanérophytes (11%), d'hélophytes (3%) et d'hydrophytes (3%) les plus élevées, car les plantes ligneuses, paludéennes et aquatiques ont souvent de très larges aires de distribution.

Hauteur des taxons

  1. Plus de 63% des taxons recensés dans les Alpes comptent dans la classe des plantes hautes de 20 à 40 cm. Aux étages collinéen et montagnard, les plantes sont légèrement plus grandes. Dès l'étage subalpin, le pourcentage de taxons dénombrés dans la classe de 20 à 40 cm baisse à 61%, alors qu'à l'étage alpin 61% de taxons sont dénombrés dans la classe de 10 à 20 cm et qu'à l'étage nival 61% des taxons comptent dans la classe de 5 à 10 cm.

  2. Près de 53% des taxons du cortège floristique sud-européen- montagnard comptent dans la classe des plantes hautes de 20 à 40 cm et 77% des taxons du cortège arctico-alpin sont dénombrés dans la classe de 10 à 20 cm. Les hauteurs des plantes des contingents européen et méditerranéen sont proches de celles de l'étage collinéen, alors que parmi les plantes du contingent eurasiatique, les tailles sont un peu plus grandes.

Phénologie

  1. Sur l'ensemble des taxons recensés dans les Alpes, juillet est le mois où l'on compte le plus de taxons potentiellement en fleurs, soit près de 80%, alors qu'avril est le premier mois où la floraison concerne environ 20% des taxons. Plus de 31% des taxons commencent à fleurir en juin et la moitié d'entre eux le font pour trois mois, alors que la moitié des taxons qui entament leur floraison en juillet le font pour deux mois seulement. De septembre à mars, les xénophytes montrent les plus hauts pourcentages de taxons en fleurs, d'avril à juin ce sont les indigènes (non endémiques) et en juilletaoût ce sont les endémiques.

  2. A l'étage collinéen, le plus haut pourcentage de taxons potentiellement en fleurs est atteint en juin (77%), alors que pour tous les autres étages c'est en juillet (100% à l'étage nival). En mai, seuls les étages collinéen et montagnard peuvent déjà voir plus de la moitié de leurs taxons en fleurs. En août, le pourcentage de l'étage nival est encore supérieur à 91%, alors que celui de l'étage collinéen chute à 54%. Plus de 42% des taxons recensés dans les Alpes ont une amplitude de floraison de trois mois et pour 25% des taxons cette amplitude n'est que de deux mois. A l'étage subalpin, tous les pourcentages d'amplitude de floraison sont sensiblement les mêmes que pour l'ensemble de la flore. A l'étage nival, 46% des taxons ont une amplitude de floraison de deux mois.

  3. En avril, une corrélation positive existe entre le pourcentage de taxons potentiellement en fleurs par division administrative et le poids relatif du cortège floristique méditerranéen (R2 = 0,69). A l'inverse, une corrélation négative existe en juillet entre ces mêmes données (R2 = 0,57).

  4. D'octobre à juin, c'est le cortège floristique méditerranéen qui montre le plus haut pourcentage de taxons potentiellement en fleurs et, à l'inverse, le plus faible pourcentage revient au cortège arctico-alpin. Dès le mois d'avril, on compte déjà près de 40% de taxons méditerranéens en fleurs et un maximum annuel pour ce cortège floristique est atteint en juin: 80%. En juillet et août, le cortège arctico-alpin montre les plus hauts pourcentages (98% en juillet). En septembre, le pourcentage le plus élevé revient au contingent eurasiatique (34%).

  5. En matière de floraison, les arbres sont les plus précoces (plus haut pourcentage en mai: 79%), viennent ensuite les arbustes (maximum en juin: 76%). Le plus haut pourcentage de taxons potentiellement en fleurs des trois autres catégories de longévité est atteint en juillet: 82% pour les annuelles, 90% pour les bisannuelles et 83% pour les vivaces. L'amplitude de floraison d'une catégorie est inversement proportionnelle à sa longévité.

  6. De janvier à mai, les phanérophytes montrent le plus haut pourcentage de taxons potentiellement en fleurs et 70% d'entre eux fleurissent en mai. En juin, le premier rang revient aux hélophytes avec 86% (mais on relève aussi plus de 80% de taxons en fleurs chez les thérophytes). De juillet à septembre, ce sont les hydrophytes qui comptent la plus forte proportion de taxons en fleurs (94% en juillet, le maximum absolu). En juillet également, les pourcentages de floraison potentielle des chaméphytes, des hémicryptophytes et des thérophytes sont à leur apogée, respectivement 86%, 88% et 82%. D'octobre à décembre, les thérophytes montrent le plus haut pourcentage de taxons en fleurs, avec encore 20% en octobre.

Remerciements

Nous remercions le Fonds National Suisse de la recherche scientifique (FNS) de son soutien au projet «Contribution à l'étude synthétique de la diversité floristique des Alpes» (no 31-31244.91 et 3100-031244), ainsi que toutes les personnes ayant collaboré au projet pour une Flore des Alpes. Nous remercions aussi Nicolas Wyler pour la production des cartes des Alpes par SIG et Yves Rasolofo pour ses conseils et expertises informatiques.

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© CONSERVATOIRE ET JARDIN BOTANIQUES DE GENÈVE 2012
David Aeschimann, Nathalie Rasolofo, and Jean-Paul Theurillat "Analyse de la Flore des Alpes. 3: Biologie et Phénologie," Candollea 67(1), 5-22, (1 January 2012). https://doi.org/10.15553/c2012v671a1
Received: 30 August 2011; Accepted: 6 December 2011; Published: 1 January 2012
KEYWORDS
Alpine arc
Bio-logical forms
chorology
Flora of the Alps
floristics
longevity
phenology
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