Le 26 décembre 2014 est décédé à New-York, alors qu'il consultait les herbiers, Armando Carlos Cervi, spécialiste mondial des Passifloracées, Professeur senior de l'Université Fédérale du Parana, membre de nombreuses sociétés savantes, expert auprès des plus hautes autorités scientifiques brésiliennes, diplômé en sciences naturelles (1969) avec spécialisation en morphologie végétale de l'Université Fédérale du Parana, Brésil (1974), docteur en taxonomie végétale de l'Université de Barcelone (1981), et titulaire d'un post-doctorat de ladite Université (1995).
Sa carrière de spécialiste des Passifloracées a commencé par un travail de doctorat intitulé « Revisão do Gênero Passiflora L. (Passifloraceae) do Estado do Paraná, Brasil ». Ses travaux de recherche ont ensuite été consacrés en grande partie à cette famille, avec environ 80 articles, chapitres d'ouvrage et contributions à des congrès. Mais il s'est également intéressé à d'autres familles de la flore du Brésil d'un point de vue taxonomique, mais aussi anatomique, morphologique, biochimique et phylogénétique. Cette production comprend plus de 70 publications et contributions à des congrès, avec un intérêt particulier pour les Aristolochiaceae, les Bromeliaceae, les Combretaceae, les Ericaceae, les Hypericaceae, les Ochnaceae et les Plantaginaceae; pour les autres familles auxquelles il s'est intéressé, citons: Arecaceae,Asteraceae, Bignoniaceae, Cactaceae, Commelinaceae, Dilleniaceae, Erythroxylaceae, Escalloniaceae, Euphorbiaceae, Lauraceae, Meliaceae, Poaceae, Rosaceae, Rubiaceae, Thymeleaceae, Viscaceae, ainsi que des Gymnospermes et Ptéridophytes. Au total ce sont plus de 40 formes, sousespèces, espèces, sections et super-sections qui ont été décrites par Armando Cervi. Il faut ajouter à cette œuvre magistrale en systématique de nombreuses contributions sur la flore et la végétation du Brésil, les plantes aquatiques, les rudérales, l'ethnobotanique et la biochimie, en particulier celle des Myrtaceae. Plusieurs espèces ont été dédiées au Professeur Cervi.
Au faîte de sa carrière, Armando Cervi dirigeait, en plus des recherches qu'on vient d'énumérer, de nombreux programmes en particulier sur les diversités biologiques, terrestres et aquatiques liées à des projets de conservation. Son expertise était requise par de nombreux périodiques. Il fonctionnait comme consultant auprès des instances scientifiques brésiliennes (Conselho Nacional de Desenvolvimento Cientifico e Tecnicológico, CNPq). Il siégea dans de nombreux jurys de thèse et de master, ainsi que dans des commissions d'evaluation et de promotion. Il voyageait dans les herbiers du monde entier pour déterminer ses Passifloraceae. En tant que spécialiste de ce groupe il avait l’élégance de répondre immédiatement aux demandes de détermination, ce qui est plutôt rare dans notre profession. Enfin, Armando fut non seulement un grand botaniste, mais un professeur apprécié par plusieurs générations d'étudiants pour sa rigueur, son goût du travail, son charisme, et surtout son humour.
En 1981, lorsque je rencontrai Armando pour la première fois aux Conservatoire et Jardin botaniques de Genève (CJB) avec son épouse Rejane et leur fille Raphaëlla, il venait d'effectuer un séjour de 3 années en Espagne pour y obtenir un doctorat en taxonomie végétale de l'Université de Barcelone. La famille était sur le chemin de retour à Curitiba et faisait étape à Genève pour visiter l'herbier et y consulter les Passifloracées. Ma femme et moi leur fîmes visiter la région genevoise et, depuis lors, naquit une longue amitié personnelle et professionnelle. Régulièrement, les Cervi visitèrent Genève, Armando pour consulter les herbiers et son épouse Rejane, professeure à Curitiba, pour travailler avec ses collègues de la Faculté des Sciences de l'Education à Genève. Nous avions beaucoup de peine à extraire Armando des herbiers pour lui faire visiter la Suisse et le distraire de ses travaux de botanique, car pour lui, le travail de consultation d'herbier ne souffrait aucune distraction. Lors de nos rares excursions touristiques, le moindre arrêt était un prétexte d'herborisation. C'est ainsi que des collections de plantes suisses se trouvent dans l'herbier de Curitiba (MBM).
Fig. 2.
Rodolphe Spichiger, Armando Cervi, Gert Hatschbach et Pierre-André Loizeau (de gauche à droite) en expédition dans le Minas Gerais en 1998.
Je fus moi-même plusieurs fois invité à Curitiba, soit pour travailler dans l'herbier, soit pour entamer des excursions de récoltes avec Armando et Gert Hatschbach. L'actuel directeur des CJB, Pierre-André Loizeau, participa à ces expéditions dans les états du Parana, de São Paulo et du Minas Gerais (1998–1999), enrichissant les collections de Genève par les récoltes réalisées. D'autres chercheurs des CJB bénéficièrent de l'aide d'Armando dans leurs travaux et leurs expéditions; ce dernier co-dirigea des masters d'étudiants de l'Université de Genève. Dans un domaine plus politique, Armando et Rejane Cervi organisèrent en 2002 la visite officielle du maire de Genève auprès de la préfecture de Curitiba dans le cadre de collaborations inter-municipalités sur le développement durable. Enfin, Armando facilita grandement aux chercheurs genevois toutes les démarches administratives nécessaires aux recherches et expéditions sur le territoire brésilien.
Avec la disparition d'Armando Cervi, les CJB perdent un ami qui a soutenu avec constance et bienveillance leurs activités en Amérique du Sud.
