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19 August 2019 Pandanus papateaensis (Pandanaceae): une nouvelle espèce menacée de l’atoll soulevé de Makatea (Tuamotu, Polynésie française)
Jean-François Butaud, Frédéric Jacq, Martin W. Callmander
Author Affiliations +
Abstract

Butaud, J.F., F. Jacq & M.W. Callmander (2019). Pandanus papateaensis (Pandanaceae): a new threatened species from the uplifted atoll Makatea (Tuamotu, French Polynesia). Candollea 74: 137–144. In French, English and French abstracts. DOI: http://dx.doi.org/10.15553/c2019v742a3

The new species Pandanus papateaensis Butaud, F. Jacq & Callm. (Pandanaceae) is described from the uplifted atoll of Makatea located in the Tuamotu Archipelago of French Polynesia. The new species can be distinguished from other Polynesian species by its completely fused drupes with usually two seminal chambers and by its reddish-brown to dark-purple pileus, which totals more than one third of the total length of the drupe. Pandanus papateaensis is known from a few subpopulations located on the edge of the central plateau and it occurs in sympatry with Pandanus tectorius Parkinson. The species is known by less than 80 individuals and its sustainability is threatened by a phosphate mining project, which could have a significant impact on two of the three subpopulations. Based on the latter evidence, the new species is assigned a preliminary “Endangered” [EN] status following IUCN Red list Categories and Criteria. A regulatory protection status is thus recommended for this new species, as well as for the exceptional natural vegetation formations of this atoll, which is threatened by 50 years of intense phosphate mining without any current restoration programs to compensate for the damage caused.

Introduction

Pandanus tectorius Parkinson (Pandanaceae) représente un complexe d’espèces dispersées par la mer et inféodées à la végétation côtière tropicale du Pacifique (Stone, 1976, 1982a, 1982b). Il est aussi présent à l’intérieur des îles océaniques à plus haute altitude. Ce complexe a été dénommé par Stone (1976) le «Pandanus tectorius problem», à la vue des problèmes nomen-claturaux, taxonomiques et biologiques qu’il soulève. Certains taxonomistes considèrent P. tectorius Parkinson comme une espèce à morphologie variable et à large répartition dans le Pacifique en ne reconnaissant que quelques taxa distincts (Warburg, 1900; Stone, 1976, 1982a, 1982b, 1988), tandis que d’autres ont préféré reconnaître un grand nombre d’espèces insulaires endémiques comme Martelli (1905, 1933) puis ST. JOHN (1979, 1988, 1989a, 1989b, 1989c, 1989d, 1989e). Cette vision taxonomique reconnaît jusqu’à 200 espèces appartenant à ce complexe. La taxonomie du genre Pandanus Parkinson en Polynésie française ne fait pas exception avec 85 espèces décrites par ST. JOHN (1979, 1988, 1989a, 1989b, 1989c, 1989d, 1989e). D’autres espèces, mais surtout des variétés de P. tectorius ont été décrites par Brown (1931) et Moore (1933). STONE (1988) a considérablement réduit le nombre d’espèces en Polynésie française en acceptant une certaine variabilité morpho-logique des syncarpes. Ce dernier a placé toutes les espèces décrites avant 1988, à l’exception de P. papenooensis H. St. John, en synonymie de P. tectorius.

Des études récentes de la variabilité génétique du complexe de P. tectorius ont montré que les courants océaniques ont grandement influencé la structure génétique des populations (Gallaher et al., 2015, 2017). Ces études ont démontré que les populations à l’intérieur des terres sont isolées génétiquement et représentent donc des unités taxonomiques dis-tinctes pouvant être reconnues au rang d’espèces sur la base de caractères morphologiques. En Polynésie française, en plus de l’indigène P. tectorius, trois espèces endémiques (Fig. 1) bien caractérisées morphologiquement et génétiquement (Gallaher et al., 2017) poussant à l’intérieur des îles sont aujourd’hui reconnues: P. papenooensis des forêts humides de l’intérieur de l’île de Tahiti et probablement aussi Moorea, P. temehaniensis J.W. Moore propre aux plateaux du Temehani à Raiatea dans les îles de la Société, et P. tamaruensis J.W. Moore des forêts humides de l’intérieur des îles de Raiatea et Tahaa. Cette dernière espèce doit cependant encore être reconnue dans les bases de données floristiques de la Polynésie française (Florence et al., 2007; Gargominy et al., 2018).

Des prospections menées sur l’atoll soulevé de Makatea, dans l’archipel des Tuamotu en Polynésie française (Fig. 2), ont permis de mettre en évidence en 2004 la présence d’une nouvelle espèce de Pandanus, non décrite par ST. John (1989c), et d’en collecter le premier échantillon critique en 2007 (JACQ & Butaud, 2009; Butaud & Jacq, 2017). Wilder (1934), qui a intensément prospecté l’île en 1932, notait la présence de plusieurs espèces de Pandanus sur le plateau intérieur, l’une d’entre elles pouvant correspondre à la collection du Pandanus de 2007 (Jacq, Lagouy & Huguet 1570). Cet échantillon a été intégré à la première étude phylogénétique sur le complexe de P. tectorius (Gallaher et al., 2015). Malgré la faible résolution phylogénétique dans cette étude, la différence génétique entre les espèces côtières et l’espèce de Makatea est perceptible.

L’atoll de Makatea, d’une surface de 28,6 km2, se trouve isolé à 220 km au Nord Est de l’île de Tahiti. Il s’agit d’un atoll soulevé d’environ 60 à 75 m, doté d’une dépression centrale située entre 30 et 40 m d’altitude et un plus haut sommet à 111 m. Son rehaussement date du Pléistocène et est lié au bom-bement de la plaque lithosphérique sous le poids du volcan plus récent de Tahiti (Montaggioni et al., 1985; Pirazzoli & Montaggioni, 1985; Montaggioni, 1989). Près de 40% de la surface de l’île a été exploitée pour le phosphate sous la forme d’une mine à ciel ouvert à partir de 1917 et jusqu’en 1966, date à laquelle la Compagnie Française des Phosphates de l’Océanie s’est retirée brutalement sans aucune réhabi-litation du site (Decoudras et al., 2005; Jacq & Butaud, 2009). La végétation naturelle couvre aujourd’hui 57% de la surface de l’île tandis que sa flore comprend 81 plantes natives dont 6 espèces endémiques de l’archipel des Tuamotu, parmi lesquelles 3 sont restreintes à l’atoll même (Butaud & Jacq, 2017). Si plusieurs espèces animales (oiseaux) et végétales se développant à Makatea sont protégées au sein du Code de l’Environnement de Polynésie française, aucun site de cette île pourtant si riche biologiquement et exceptionnelle d’un point de vue géologique, géomorphologique et paysager n’est classé dans le cadre du Code de l’Environnement ou du Code de l’Aménagement.

Quinze ans après sa découverte, nous décrivons ici formel-lement une nouvelle espèce menacée, P. papateaensis Butaud, F. Jacq & Callm, endémique de l’atoll soulevé de Makatea.

Taxonomie

Pandanus papateaensis Butaud, F. Jacq & Callm., spec. nova
(Fig. 3).

  • Holotypus: POLYNÈSIE-FRANÇAISE. Archipel des Tuamotu [Makatea]: Teniania (sur le plateau coté Est), 15°50′46″S 148°14′01″W, 70 m, 24.IV.2007, fr., Jacq, Lagouy & Huguet 1570 (PAP [PAP015953]!; iso-: G!, P!).

  • Pandanus papateaensis Butaud, F. Jacq & Callm. can be distinguished from other species of French Polynesia by its completely fused drupes with usually 2 seminal chambers (vs 3 to more than 15), by its pileus totalling more than one third of the length (vs less than one third), and by the characteristic reddish-brown to dark-purple color of the pileus.

  • Arbre dioïque robuste atteignant plus de 5,5 m de hauteur, stipe 12–16 cm de diam., droit ou rampant à la base, aux ramifications alternes perpendiculaires au stipe et comptant jusqu’à 4 niveaux de ramification en comprenant le stipe initial, intérieur de l’écorce verdâtre, à racines-échasses présentes depuis la base jusqu’à c. 110 cm de hauteur sur le stipe, de 110–150 cm de long et de 4,5–5 cm de diam., couvertes d’une coiffe composée de grandes écailles sur 5 à 7 cm, épines du stipe de 3–4 mm de diamètre sur 4–6 mm de haut, épines des racines-échasses de 2–2,5 mm de diamètre sur 1,5–2 mm de haut. Feuilles coriaces, à faces ventrales et dorsales vert franc, base de la face dorsale portant une tache brun-orange sur les pieds femelles; feuilles du stipe non ramifié, de 230–250 cm de longueur, 7 cm de largeur au milieu, 8–8,5 cm près de la gaine, progressivement rétrécies dans le tiers apical, épines jaunâtres à brunes, antrorses, épines marginales présentes à partir de 20–27 cm au-dessus de la base jusqu’à l’apex, dans le tiers inférieur jusqu’à 3 mm de longueur puis devenant plus petites en allant vers l’apex (0,3–0,5 mm), espacées de 3–7 mm tout au long de la marge, épines costales présentes de 32–38 cm au-dessus de la base jusqu’à l’apex, gaine verdâtre de 5–6 cm de long, 13 cm de largeur apicale, 18,5–20,5 cm à la base; feuilles des ramifications ultimes de 150–160 cm de longueur, 6–7 cm de largeur au milieu, 6,5–7,5 cm près de la gaine, progressivement rétrécies dans le tiers apical, épines marginales présentes à partir de 17–23,5 cm au-dessus de la base jusqu’à l’apex, épines costales présentes de 34–40 cm au-dessus de la base jusqu’à l’apex, gaine blanchâtre de 5–7 cm de long, 10–11 cm de largeur apicale, 13–14 cm à la base; feuilles de la base de l’inflorescence mâle de 100–110 cm de longueur, 6 cm de largeur au milieu, 7 cm près de la gaine, progressivement rétrécies dans le tiers apical, épines marginales présentes à partir de 20–22 cm au-dessus de la base jusqu’à l’apex, épines costales présentes à 32 cm au-dessus de la base jusqu’à l’apex, gaine blanche indistincte. Inflorescences mâles odorantes, développées sur la ramification du quatrième ordre, sous la forme d’un racème d’épis long de 59–78 cm hors bractées; pédoncules charnus de 13–16 mm de diamètre vers la base; bractées foliacées jaunâtres et naviculaires au nombre de 15, dotées d’épines marginales et caudales courtes et souples, bractées proximales 70–125 × 5,5–7 cm au tiers inférieur, bractées distales (11–)18–34 × (1,5–)2–4,5 cm au tiers inférieur; épis au nombre de 15, subcylindriques à subconiques distalement, (3,5–)6–10 × (2–)3–4 cm, décroissant distalement, composés de fascicules d’étamines, les deux épis basaux dotés d’un pédoncule de 2,5–7 cm, les autres subsessiles; fascicules blanchâtres comprenant une colonne de 5–9 mm de longueur libre d’étamines pour 11–15 mm de longueur totale, sur 1–1,5 mm de diamètre et portant 32–38 étamines; filets libres longs de 3–4 mm; anthères jaunes pâles longues de 2–2,5 mm sur 0,3–0,4 mm de large. Inflorescences femelles non vues. Infrutescence monosyncarpique, terminale; syncarpe globoïde, 14–17 × 14–16 cm, composé de c. 39–49 drupes; trognon ellip-soïdal, 5,5–6 × 4,5–5 cm; pédoncule triquètre, 48 × 1,1–1,4 cm; jusqu’à 6 cicatrices de bractées sur le pédoncule dont bractée apicale engainante sur 2 des 3 côtés du pédoncule, de 25 mm de large; drupes oblongues, anguleuses, totalement fusionnées, dépourvues de sillon, (4,7–)5,8–6,3 × (3,2–)4,2–5,1 × (2,2–)2,9–3,7 cm, libres sur 1/3 à 1/2 à l’apex, partie connée jaune à orange in vivo; pileus en forme de dôme, craquelé à rainures longitudinales, à côtes saillantes, 2–2,9 cm de hauteur, brun rougeâtre à pourpre foncé in vivo; plateforme stigmatique de 1,2–1,9 × 0,7–1,3 cm; (1–)2(–4) stigmates réniformes à l’apex du pileus, c. 3,5–5 × 2,5–4 mm; drupe biloculaire comprenant généralement 2 loges séminales non soudées (rarement 1, 3 ou 4 sur des drupes de petites dimensions ou composites); endocarpe obovale, turbiné, de 1,7–1,9 cm de longueur axiale sur 1–1,2 cm de largeur, à apex distant de 1,1–1,4 cm de la base des stigmates, à base distante de 2,2–2,7 cm de la base de la drupe; loge séminale obovoïde, 1,2–1,5 × 0,8–0,9 cm, à centre supra-médian, mésocarpe fibreux.

  • Etymologie. – L’épithète spécifique est basé sur «Papatea», une des anciennes dénominations de l’atoll de Makatea et signifiant en tahitien «rocher blanc».

  • Nom vernaculaire. – Ce pandanus est connu sous le nom tahitien de «fara vare’au» à Makatea, ce qui signifie pandanus au fruit violet. Il s’agit d’un nom récent dans la mesure où le mot «vare’au» dérive du mot anglais «violet».

  • Phénologie. Les syncarpes matures ont été observés d’avril à juillet à Makatea. Les inflorescences mâles ont été observées de janvier à février et en juin en culture à Tahiti.

  • Distribution et écologie. – Pandanus papateaensis n’est connu que de l’atoll de Makatea où trois stations ont été localisées sur le plateau entre 70 et 90 m d’altitude, à la base du Mont Aetia, au lieu-dit Teniania et en haut de falaise à l’amont de la plage de Moumu (Fig. 4). Il pousse sur des substrats coral-liens rocheux («feo») très disséqués et difficiles à parcourir, recouverts de formations forestières basses. Il se développe au sein de la forêt ou du fourré à Pandanus-Ficus ou en limite de forêt à Homalium mouo H. St. John, en mélange avec les arbres Pandanus tectorius, Guettarda speciosa L., Ficus prolixa G. Forst. var. prolixa, Celtis pacifica Planch., les arbustes Alyxia sp., Capparis cordifolia subsp. spinosa (Lam.) Fici et les fougères Microsorum grossum (Langsd. & Fisch.) S.B. Andrews et Davallia solida (G. Forst.) Sw. var. solida. Il n’a pas été trouvé dans la dépression centrale de l’atoll, ce qui peut être expliqué par sa possible extirpation du site en raison de l’extraction du phosphate couplée à une potentielle faible capacité de recolo-nisation naturelle (dispersion des fruits et développement en milieu très ouvert). Sa dissémination est très probablement assurée par le Carpophage de la Société, Ducula aurorae Peale (1848), grand pigeon frugivore endémique des îles de la Société et des Tuamotu et aujourd’hui restreint uniquement à l’atoll de Makatea. Le crabe de cocotier Birgus latro L. (1767), les ber-nard-l’hermite Coenobita brevimanus Dana (1852) et C. perlatus H. Milne Edwards (1837) et les rats introduits Rattus rattus L. (1758) et R. exulans Peale (1848), tous abondants à Makatea (Poupin, 1996; Ghestemme, 2013), assurent potentiellement une dissémination des fruits de Pandanus papateaensis à plus courte distance lorsqu’ils en consomment la pulpe, à l’image de Cardisoma carnifex Herbst (1796) pour ceux de P. tectorius (Lee, 1985). Néanmoins, les rats pourraient également en consom-mer les graines, ce qui limiterait la régénération de l’espèce.

  • Des pieds sont aujourd’hui en culture sur le littoral de Moumu depuis 2018 (J. Ioane, pers. comm.) mais également à Tahiti où un pied mâle produit à partir de drupes est intégré depuis 2010 à la plantation conservatoire d’espèces menacées du domaine de Atimaono gérée par la Direction de l’Environnement. Ce pied provient d’une des trois drupes germées sur les 16 récoltées à Makatea le 1er juillet 2009 (station Teniania) et mises en germination en pot à Tahiti 15 jours après (première germination au bout de 4,5 mois), les deux autres pieds étant morts en pépinière.

  • Statut de conservation. – Pandanus papateaensis n’est connu que de l’atoll de Makatea dont la superficie atteint 28,6 km2. Il n’est connu que sous la forme de trois sous-populations dis-tantes les unes des autres de moins de 5 km et au sein desquelles près de 80 pieds ont été dénombrés. Les nombres de pieds et de sous-populations sont probablement sous-estimés en raison de la ressemblance de l’espèce à l’état stérile avec le très commun P. tectorius et des difficultés extrêmes de prospection sur le sub-strat karstique irrégulier caractéristique de l’île. Ainsi, il serait également présent dans les formations naturelles de Tahiva au Sud de l’île (G. Ah-Scha, pers. comm.). Si des plantes envahissantes (Adenanthera pavonina L., Lantana camara L., Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit, Syzygium cumini (L.) Skeels, Tecoma stans (L.) Juss. ex Kunth) sont présentes à Makatea et peuvent entrer en compétition avec les pieds adultes ou les plantules de Pandanus papateaensis, et si les rats introduits peuvent limiter dans une certaine mesure la régénération de l’espèce en consommant ses graines, la menace principale pour ce taxon consiste en un projet de reprise d’exploitation du phosphate résiduel pour lequel des autorisations d’exploration ont déjà été accordées par le Gouvernement de la Polynésie française (Avenir Makatea, 2019). En effet, deux des trois stations connues sont situées dans l’enveloppe concernée par le projet d’exploitation (Fig. 4), ce dernier impliquant l’extirpation de toute végétation ainsi que du sol humique (banque de graines).

  • L’hétérogénéité des menaces pesant sur les différentes sous-populations conduit à définir deux localités, la première de Aetia non menacée par l’exploitation du phosphate résiduel tandis que la seconde, regroupant les deux autres sous-populations, menacée par cette exploitation.

  • L’aire d’occupation de l’espèce est < 3 km2 tandis que son aire d’occurrence est < 30 km2. En raison du développement des plantes envahissantes et du projet d’exploitation du phosphate résiduel, un déclin continu a été projeté pour les aires d’occurrence et d’occupation, pour l’étendue et la qualité de son habitat, ainsi que pour les nombres d’individus et de localités. Quatre-vingt (80) individus ont été décomptés et la population totale estimée à moins de 250 individus matures. Pandanus papateaensis est donc provisoirement évalué comme «En danger» [EN B1ab(i,ii,iii,iv,v)+B2ab(i,ii,iii,iv,v)+D] selon les Critères et les Catégories de la Liste Rouge de l’UICN (2012).

  • Notes. – Pandanus papateaensis se distingue facilement de P. tectorius par ses drupes complétement fusionnées à pileus libre sur plus de deux tiers de sa longueur, à rainures longitudinales et d’une couleur brun rougeâtre à pourpre foncé (Fig. 3). La nouvelle espèce est isolée morphologiquement en Polynésie orientale car il s’agit du seul taxon indigène possédant généralement deux loges séminales par drupes, P. tectorius en comprenant 3 à 12, P. papenooensis, P. temehaniensis et P. tamaruensis en ayant généralement plus d’une dizaine (STONE, 1988), et P. arapepe H. St. John des Îles Cook n’en possédant qu’une seule avec un seul stigmate central (Sykes, 2016).

  • Pour favoriser la préservation de P. papateaensis, nous recommandons son placement sur la liste A des espèces protégées du code de l’environnement de Polynésie française, ainsi que sa multiplication au sein de plantations conservatoires ex situ sur l’île de Makatea et sur celle de Tahiti. Par ailleurs, afin de conserver son habitat qui consiste notamment des forêts naturelles n’ayant pas été dégradées par l’extraction du phosphate, nous ne pouvons qu’inciter à classer l’ensemble de ces formations en aire protégée au sens du Code de l’Environnement (aire de gestion des habitats et des espèces) ou à celui du Code de l’Aménagement (zone protégée du plan général d’aménagement à réactiver de la Commune de Rangiroa dont fait partie Makatea). Un tel classement serait également favorable à la conservation d’autres taxons menacés ou quasi menacés vivant à Makatea comme par exemple les oiseaux indigènes ou endémiques de l’île (le Carpophage de la Société [VU], le Ptilope de Makatea (Ptilinopus coralensis chalcurus Gray (1859), [NT]) et la Rousse-rolle de Makatea (Acrocephalus atyphus eremus Wetmore (1919), [NT])), les plantes endémiques et/ou protégées (Gossypium hirsutum var. taitense (Parl.) Roberty (indigène et protégée), Homalium mouo (endémique de Makatea, [NT]), Myrsine ovalis var. wilderi Fosberg & Sachet (endémique de Makatea, [VU]), Planchonella tahitensis (Nadeaud) Pierre ex Dubard (indigène et protégée), Pritchardia mitiaroana J. Dransf. & Y. Ehrhart (endémique de Polynésie orientale et protégée) et Tabernaemontana pandacaqui Poir. (indigène et protégée)) ainsi que la malacofaune terrestre malheureusement déjà bien appauvrie (SARTORI et al., 2014).

  • Paratypi. – POLYNÈSIE-FRANÇAISE. Archipel des Tuamotu [Makatea]: Te Niania Sud Moumu, en arrière de la falaise entre Teniania et Moumu, 15°50′29.5″S 148°14′24″W, 76 m, 14.IV.2009, fr., Butaud & Jacq 2231 (PAP [015952]); Aetia, flanc NE du sommet, 15°50′34″S 148°16′30″W, 77 m, 21.IV.2009, fr., Butaud & Jacq 2262 (PAP [PAP015951]). [Archipel de la Société, Tahiti]: Atimaono, Parcelle conservatoire de la DIREN, pied cultivé à partir de graines prélevées à Makatea, 27.VI.2018, fl. , Butaud & Lenoble 3701 (PAP [PAP015954]); ibid loco, 4.II.2019, fl. , Butaud 3753 (G, P, PAP [PAP015955, PAP015956, PAP015957]); Arue, plantule produite à partir d’un fruit collecté à Teniania en juin 2009, 18.XII.2010, fr., Jacq 890 (PAP [PAP015753]); ibid loco, 13.XI.2011, fr., Jacq 1540 (PAP).

  • Fig. 1.

    Les différentes espèces de Pandanus Parkinson indigènes et endémiques de Polynésie française. A. Pandanus tectorius Parkinson sur l’île de Taravai, archipel des Gambier; B. Pandanus papenooensis H. St. John sur l’île de Tahiti, archipel de la Société; C. Pandanus temehaniensis J.W. Moore sur l’île de Raiatea, archipel de la Société; D. Pandanus tamaruensis J.W. Moore sur l’île de Raiatea, archipel de la Société. [Photos: A–D: J.F. Butaud]

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    Fig. 2.

    Localisation de l’atoll soulevé de Makatea dans l’archipel des Tuamotu en Polynésie française. [Fonds cartographique du SAU]

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    Fig. 3

    Pandanus papateaensis Butaud, F. Jacq & Callm. A. Habitat; B. Syncarpe; C. Détail des stigmates; D. Coupe longitudinale d’une phalange montrant les deux loges séminales. [A, C–D: Jacq et al. 1570, PAP] [Photos: A, C: F. Jacq; B, D: J.-F. Butaud]

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    Fig. 4

    Carte des stations connues de Pandanus papateaensis Butaud, F. Jacq & Callm. à Makatea et enveloppe concernée par le projet d’exploitation du phosphate résiduel. [Fonds cartographique du SAU]

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    Remerciements

    Ces travaux scientifiques s’inscrivent dans le cadre de l’inven-taire du patrimoine naturel [inpn.mnhn.fr]. Ils ont bénéficié en 2018 d’un soutien de l’UMS PatriNat (AFB, CNRS, MNHN). La cartographie de la végétation de l’île a été rendue possible grâce à une convention de diffusion de données numériques (Nº13/2009) signée avec le Service de l’Urbanisme polyné-sien [SAU]. Nous sommes reconnaissants envers le Musée de Tahiti et des Îles (PAP) et notamment Miriama Bono, Tamara Maric et Mahinatea Gatien pour les facilités accordées relativement à l’étude et au montage des échantillons, envers Eric Lenoble pour l’entretien régulier du pied de Pandanus de Makatea cultivé à Tahiti ainsi qu’à Sylvanna Nordman, Jacky Ioane et Gontran Ah-Scha pour leurs informations sur ce Pandanus. Enfin, un grand merci à Marie Di Simone, San-drine Tercerie et Olivier Gargominy pour leur confiance dans l’achèvement de ces travaux et à Timothy Gallaher et Sven Buerki pour leurs enthousiasmes dans les études moléculaires du complexe de P. tectorius. Nous remercions finalement Timothy Gallaher, Sven Buerki et un réviseur anonyme pour leur relecture attentive du manuscrit.

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    Jean-François Butaud, Frédéric Jacq, and Martin W. Callmander "Pandanus papateaensis (Pandanaceae): une nouvelle espèce menacée de l’atoll soulevé de Makatea (Tuamotu, Polynésie française)," Candollea 74(2), 137-144, (19 August 2019). https://doi.org/10.15553/c2019v742a3
    Published: 19 August 2019
    KEYWORDS
    atoll
    French Polynesia
    makatea
    new species
    PANDANACEAE
    Pandanus
    Phosphate
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