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1 June 2017 Léon Larderaz (1919–2016)
François Gagnebin
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Léon Larderaz a été enlevé dans sa 98e année à l'affection de sa famille et de ses amis. Il est né à l'ombre de «La Console», dans cette petite maison occupée par la famille du jardinier en chef du Jardin botanique de la Ville de Genève, Charles Larderaz. Ce jardin où toutes les plantes sont étiquetées, où à «La Console» des scientifiques du monde entier viennent consulter les herbiers et sa bibliothèque. Un environnement qui au long des années de la jeunesse de Léon éveilla sa curiosité, son intelligence si fine.

Après sa scolarité obligatoire, il passe par l'Ecole de commerce, puis par l'Ecole d'horticulture de Genève, de 1935 à 1938. Si la partie pratique l'intéresse, son goût va vers la connaissance des végétaux, leur nomenclature. Ses camarades reconnaissent ses aptitudes plus intellectuelles et savent qu'au printemps il recevra le diplôme avec félicitations et la médaille distinguant à l'époque le meilleur élève.

C'est à Saint-Gall qu'il va dans une pépinière gagner son premier argent, se perfectionner et renforcer la langue allemande dont il a appris les premiers éléments à l'Ecole de commerce.

En 1939, le citoyen Léon Larderaz est astreint à une école de recrue puis à beaucoup de jours en gris-vert alors qu'hors de nos frontières la guerre fait tant de morts innocents.

En 1944, une place de jardinier lui donne la possibilité de revenir dans ce jardin botanique qu'il connaît depuis sa jeunesse. Dans ce jardin, à droite de l'allée des beaux platanes qui conduit aux serres, les plates-bandes de l'Ecole de systématique occupent largement les espaces. Le directeur, Charles Baehni, et le nouveau jardinier en chef, Albert Zimmermann, jugent leur entretien difficile et rébarbatif pour le grand public. À la suite de grands travaux des jardiniers, l'Ecole de systématique est remplacée par des plantes groupées selon leur usage, groupes réunis par des cheminements paysagés. Une fois ceux-ci établis, Léon Larderaz a la charge de leur entretien. Cet ensemble qui reçoit alors le nom de Jardin des Plantes Officinales se trouve toujours au même endroit, amplifié et revisité sous le nom de Jardins ethnobotaniques, dont l'inauguration aura lieu cette année anniversaire pour le Jardin botanique. Léon Larderaz y cultive donc des plantes pour l'alimentation, la pharmacie, l'industrie, etc., des plantes annuelles, bisannuelles, pérennes, avec leur étiquetage, leur renouvellement, un travail de jardinier, mais demandant de bonnes connaissances de la botanique pour renseigner les curieux qui se promènent dans ce nouveau secteur. Dans cette activité, il garde son intérêt premier, celui de la détermination des plantes. Ce côté savant lui est naturel, il le manifestait déjà à l'Ecole d'horticulture, le cachait avec son besoin de savoir. Solitaire, pas du tout individualiste, Léon Larderaz acquiert une aisance de la nomenclature reconnue par ses collègues du Jardin et les scientifiques du Conservatoire de botanique.

Charles Larderaz, Jardinier-Chef et sa famille (Léon Larderaz est le petit garçon au centre de la photo) devant la petite maison de la Console aux environs de 1930.

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Ce jardin botanique qui l'a vu naître est comme un fil conducteur. En 1950, Léon Larderaz se marie avec une jeune femme, Marie Moret, originaire de Bourg-Saint-Pierre dans le val d'Entremont. Encore un haut lieu de la botanique où convergent des hommes et des femmes vers un jardin alpin, «La Linnaea», depuis sa création en 1889. Le bonheur est double pour Léon : fonder une famille et revenir avec elle sur les pentes de ce val étudier sa flore.

Tout naturellement le poste de grainier lui est donné en 1967, responsabilité à la hauteur de son besoin d'exactitude dans les déterminations, celle aussi de l'orthographe qui figure sur les cornets des récoltes. Ce travail de précision réclame encore de connaître le mode de reproduction des nombreux taxons d'un jardin botanique, leur temps de fructification, celui de la maturité de leurs graines au cours de l'année. Voilà un programme intéressant à mener à bien puisqu'il permet au grainier d'établir le catalogue. Le catalogue des graines du jardin et aussi de celles de plantes, très recherchées, de sujets dans la nature. Dans le bref article de Léon Larderaz sur cette activité paru dans la Revue horticole suisse de 1972 (pp. 198–199), il renseigne parfaitement les lecteurs sur les phases et la difficulté du grainier devant établir un catalogue allant par le monde des jardins botaniques enrichir leurs collections. La véracité de celui-ci porte au loin la réputation de celui qui l'édite.

Le goût pour l'étude, Léon Larderaz l'a manifesté très tôt. Celle des plantes s'est imposée à lui tout naturellement. Cependant il y a mis une continuité, une qualité toute personnelle. Fort de son savoir, dans ce Jardin botanique de Genève, jusqu'en 1979, il n'a jamais voulu s'imposer. Une grande sagesse habitait cet homme physiquement frêle, mais avec une volonté d'une certaine perfection.

Léon Larderaz récolte des graines à la Givrine pour l'Index Seminum en 1968.

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François Gagnebin "Léon Larderaz (1919–2016)," Candollea 72(1), 231-232, (1 June 2017). https://doi.org/10.15553/c2017v721a13
Published: 1 June 2017
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