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1 December 2010 Diflubenzuron et évolution des taux des ecdystéroïdes dans les ovaires et dans les oeufs du Criquet pèlerin, Schistocerca gregaria (Forskål, 1775) (Orthoptera: Acrididae)
Ghania Tail, Patrick Porcheron, Bahia Doumandji-Mitiche
Author Affiliations +
Abstract

The effect of DIMILIN 25 WP, the common name of diflubenzuron, was first examined on the weight of ovaries and on the weight of eggs laid by females of Schistocerca gregaria. Treatment was made 24h earlier by ingestion at 30 mg/ml. DFB reduces the weight of ovaries at 8, 12 and 16 days, compared to control series of the same age. Moreover, the insecticidal treatment causes a significant reduction in the weight of eggs laid.

DFB action on ecdysteroid levels in ovaries and in eggs in females was also evaluated. The compound reduced ovarian ecdysteroid titres of the first ovarian cycle.

In laid eggs of S. gregaria females, we measured ecdysteroid content before and after enzymatic hydrolysis, to compare free and conjugated ecdysteroids in both control eggs and after DFB treatment during embryonic development. DFB significantly reduced the levels of both free and conjugated ecdysteroids compared to the control.

Introduction

Les ecdystéroïdes sont des hormones stéroïdes qui contrôlent plusieurs aspects du développement et de la reproduction des insectes (Belles 1998, Lafont et al. 2005, Raikhel et al. 2005, Mc Brayer et al. 2008). La majorité des auteurs accordent à ces hormones un rôle dans la formation du vitellus chez les femelles adultes d'insectes (Hagedorn 1985, Bellés 1998, Tawfik et al. 1999, Raikhel et al. 2005). Les cellules folliculaires, en plus de leur rôle dans la formation de la membrane vitelline et du chorion (Raikhel & Dhadialla 1992), sont le site majeur de production des ecdystéroïdes chez les femelles adultes de plusieurs espèces d'Orthoptères (Lagueux et al. 1977, Glass et al. 1978, Goltzené et al. 1978, Hoffmann et al. 1980, Tawfik & Sehnal 2003). Chez la femelle adulte, les ecdystéroïdes ovariens sont transférés à l'oeuf sous forme de conjugués inactifs polaires ou apolaires (Gande & Morgan 1979, Hoffmann et al. 1980, Dinan & Rees 1981, Hagedorn 1985, Tawfik et al. 2002, Hagele et al. 2004), pouvant même être liés parfois à des protéines, telles les vitellines (Hoffmann et al. 1980, Lagueux et al. 1981, Hagedorn 1985, Lanot et al. 1987, Tawfik et al. 1999). Pendant l'embryogenèse, leur hydrolyse enzymatique mettra à la disposition de l'embryon des ecdystéroïdes libres et actifs nécessaires à son développement (Hoffmann et al. 1980, Hagedorn 1985, Gäde et al. 1997, Lafont et al. 2005). Ces hormones seraient impliquées dans le contrôle du développement embryonnaire (Scalia et al. 1987, Tawfik et al. 1999), en provoquant l'initiation des mouvements morphogénétiques et l'induction de la cuticulogenèse (Lagueux et al. 1979, Lanot et al. 1987). Les ecdysté roïdes constituent donc une des cibles potentielles des insecticides (Dinan 1989). La perturbation de la production des ecdystéroïdes apparaît comme une perspective intéressante de lutte.

Les connaissances considérables qui ont été accumulées ces trente dernières années sur la physiologie et l'endocrinologie des insectes, ont permis de développer des procédures pour sélectionner des insecticides qui interférent avec le métabolisme spécifique du développement des insectes ou avec les mécanismes endocriniens (Dhadialla et al. 2005).

Le diflubenzuron (DFB), le premier représentant des benzoyl phényl urées (BPUS), est connu pour interférer avec le processus de mue en perturbant la sécrétion cuticulaire chez les stades immatures des insectes (Tunaz & Uygan 2004, Dhadialla et al. 2005, Mommaerts et al. 2006).

Bien que cet insecticide ait été développé dans le but de perturber le développement larvaire, on a vite observé des effets substantiels sur la reproduction des insectes. Plusieurs auteurs ont signalé une diminution de la fécondité après traitement avec le DFB chez plusieurs espèces d'insectes appartenant à des ordres variés (Lim & Lee 1982, Soltani 1987, Quesada-Moraga et al. 2000, Daglish & Wallbank 2005, Kemabonta & Odebiyi 2005, Tail et al. 2008).

Du point de vue biochimique, on a longtemps pensé que le DFB bloquait la synthèse de la chitine en agissant probablement sur la biosynthèse de la chitine synthase. Cependant cette hypothèse n'a pas été confirmée in vitro (Cohen 2001). L'hypothèse d'une interférence du DFB avec les hormones a été initialement formulée par Yu & Terriere (1975, 1977) puis par Soltani et al. (1984, 1989) et Fournet et al. (1995). On peut donc se demander si le DFB ne peut pas perturber les taux d'ecdystéroïdes ovariens et embryonnaires chez Schistocerca gregaria?

A notre connaissance, les effets du DFB sur l'évolution des ecdystéroïdes dans les ovaires et les oeufs du criquet pèlerin S. gregaria, n'ont fait l'objet d'aucun travail. C'est pourquoi l'objet de notre étude est d'appréhender l'effet du DFB sur l'évolution des ecdystéroïdes dans les ovaires et les oeufs au cours du développement embryonnaire du criquet pèlerin, S. gregaria.

Matériel et Méthodes

Elevage et synchronisation des criquets.—Des larves du stade 5 de S. gregaria sont isolées de l'élevage de masse dès la 5ème mue larvaire dans des cages séparées pour obtenir des imagos femelles synchronisés. Les femelles ayant mué le même jour sont réparties dans des cages plus petites (20 × 30 × 15 cm) pour servir aux différents essais. L'élevage est maintenu à une température de 30°C, à une humidité relative voisine de 80 % et à une photopériode alternée L/D: 12h/12h.

Les criquets sont alimentés quotidiennement de blé Triticum durum, de chou Brassica oleracea, de gazon Pennisetum dichotomum et d'un complément protéique à base de son de blé.

Traitement des femelles.—Le DFB (DIMILIN ® 25 WP, Chemtura) est appliqué par ingestion. Quatre lots de cinq femelles en phase grégaire nouvellement exuvies, sont traités séparément pendant 24h par ingestion à raison de 30 mg/ml d'eau. Après cette période, une alimentation non traitée est ensuite dispensée aux animaux traités. Après l'arrêt du traitement, nous avons introduit des mâles matures non traités, prélevés de la population d'élevage, pour l'accouplement. Vingt couples de même âge nourris sur un substrat alimentaire non traité, constituent le lot témoin.

Prélèvement des échantillons.—Les femelles témoins et traitées au DFB sont disséquées dans une solution saline aux jours 4, 8, 12 et 16 après la mue imaginale. L'excès de la solution saline est enlevé, les ovaires prélevés sont mis sur papier aluminium, rapidement pesés puis immergés dans du methanol absolu (Merck) à raison de 1 ml par 100–250 mg de tissu ovarien (Tawfik et al. 1999) et conservés à - 20°C pour le dosage ultérieur des ecdystéroïdes.

Les oeufs pondus par les femelles témoins et traitées (12.7 ± 0.7 j et 16.2 ± 1.2 j respectivement après la mue imaginale) sont recueillis dans des pondoirs remplis de sable fin, stérilisé et humidifié (15 volumes d'eau pour 100 volumes de sable). Les pondoirs sont placés par la suite dans un incubateur à 30 °± 2 °C. Dans ces conditions, l'incubation des oeufs dure de 14 à 15 jours. Les oeufs sont prélevés tous les deux jours, entre 0 et 14 jours d'incubation. Pesés individuellement à l'aide d'une balance de précision, les oeufs sont additionnés de 500 µl de méthanol absolu (Merck) puis conservés à — 20 °C jusqu'au moment de dosage des ecdystéroïdes.

Extraction et purification des ecdystéroïdes.—Les oeufs et les ovaires sont broyés, vortexés et centrifugés (5000 t, 10 mn), puis le surnageant est prélevé. Une seconde extraction du culot est réalisée avec le même volume de méthanol. Les deux surnageants sont rassemblés et évaporés sous azote. Pour éliminer les lipides, on effectue une partition chloroforme-eau (500 µl chacun). La phase aqueuse supérieure, contenant les ecdystéroïdes, est prélevée. Une deuxième partition est réalisée en ajoutant le même volume d'eau que précédemment. Les extraits aqueux sont rassemblés et purifiées par passage sur une petite cartouche de silice C18 (Waters) puis élution des ecdystéroïdes par 5 ml de méthanol absolu (Lafont et al. 1982).

Dans les oeufs, une grande quantité d'ecdystéroïdes existe sous forme de conjugués non directement mesurables par les anticorps dans I'EIA. Une hydrolyse enzymatique des conjugués permet de libérer les ecdystéroïdes libres dosables par EIA. Un aliquote de chaque échantillon est repris dans du tampon acétate de sodium (50 mM, pH 5.3) contenant une enzyme lytique : β-glucoronidase (400 unités d'enzymes par 100 µl, Type H1, Helix sp, Sigma) puis incubation en agitation une nuit à 37°C. Les échantillons sont ensuite purifiés par passage sur une colonne de silice Sep-pak C18 (Waters) puis élution par 5 ml de méthanol. Les échantillons sont évaporés pour une autre analyse. L'hydrolyse enzymatique est réalisée aussi bien pour les oeufs pondus par les femelles témoins que pour ceux déposés par les femelles traitées par le DFB.

Dosage immuno-enzymatique (EIA) des ecdystéroïdes.—Chaque extrait sec est repris par 500 µl de tampon EIA. Les ecdystéroïdes sont quantifiés par EIA selon la technique donnée par Porcheron et al. (1989) en utilisant comme traceur enzymatique la 2-succinyl-20-hydroxyecdysone couplée à la péroxydase et l'o-phenylènediamine comme révélateur (Marco et al. 2001). Les taux sont calculés à partir d'une courbe de référence établie avec 8 concentrations de l'hormone standard, la 20-hydroxyecdysone (32 à 4000 fmol). Les résultats sont donnés en pmol d'équivalents 20-hydroxyecdysone par mg de tissu ovarien ou par oeuf. Dans l'essai, 20E et ecdysone sont presque également reconnus par l'anticorps polyclonal 4919 (Porcheron et al. 1989). Les échantillons séchés sont resuspendus dans 500 µl de tampon EIA et chaque détermination est faite en double.

Analyse statistique.—L'analyse de la variance (ANOVA) à un seul facteur a été utilisée pour l'analyse des résultats des essais chez les séries témoins et traitées grâce au logiciel SPSS version 13.0. Les comparaisons des moyennes ont été effectuées à un degré de signification de 5 % en utilisant le test S.N.K. (Student-Newman-Keuls). Les données sont représentées sous forme de moyenne (± cart type) établie sur un effectif qui est précisé dans les résultats.

Résultats

Activité du DFB sur le poids des ovaires.—Chez les femelles témoins de S. gregaria, l'évolution du poids des ovaires au cours du premier cycle ovarien montre une augmentation progressive jusqu'à un maximum (687 ± 12 mg) à 12 jours après la mue imaginale puis une diminution par la suite au moment de la ponte (Fig.1). Le DFB réduit significativement (F= 11.06, p<0.01, ddl=4) le poids des ovaires à 8, 12 et 16 jours comparativement aux témoins.

Activité du DFB sur le poids des oeufs pondus.—Le DFB provoque une réduction significative (F=4.13, p<0,03, ddl=4) du poids des oeufs pondus (au jour 0) puis une prise de poids plus faible au cours de la vie embryonnaire (jours 2 à 14) comparativement aux témoins (Fig. 2).

Taux des ecdystéroïdes ovariens.—Une analyse quantitative des ecdystéroïdes dans les ovaires des femelles témoins et traitées au DFB, est réalisée aux jours 4, 8, 12 et 16 du premier cycle ovarien.

Chez les témoins, les ecdystéroïdes sont présents pendant toute la durée du premier cycle ovarien. Les ovocytes immatures (J4) ou ceux dont la maturation est peu avancée ne renferment que peu d'ecdystéroïdes (11 ± 3 pmol 20 E équivalents/mg de tissu ovarien). Des quantités plus importantes sont présentes dans les ovaires en vitellogenèse (216 ± 23 à 576 ± 15 pmol 20 E équivalents/mg de tissu ovarien) respectivement pour les jours 8 et 12. Au 16e jour, les taux hormonaux chutent à 9 ± 2 pmol 20 E équivalents/mg de tissu ovarien dès la ponte. Le DFB a réduit significativement (F=6.34, p<0,01, ddl=4) les taux d'ecdystéroïdes ovariens. L'évolution journalière durant la période considérée indique que les taux hormonaux sont relativement faibles le jour 4, augmentent légèrement pour atteindre un maximum avec 156 ± 24 pmol/mg de tissu ovarien le jour 12, puis diminuent à un niveau bas en fin de cycle avec 7 ± 3 (Fig. 3).

Fig. 1.

Evolution du poids (mg) des ovaires chez les femelles de S. gregaria témoins et traitées au DFB au cours du premier cycle ovarien (m ± sd, n= 4 à 5, les différentes lettres indiquent des moyennes significativement différentes au contrôle du même âge).

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Taux des ecdystéroïdes libres et conjugués dans les oeufs durant l'embryogenèse.—Nous avons comparé les quantités des ecdystéroïdes libres et conjugués, c'est-à-dire avant et après hydrolyse enzymatique, dans les oeufs pondus par les femelles témoins et traitées au DFB. Les ecdystéroïdes ont été dosés dans les oeufs fraîchement pondus par les femelles témoins et traitées, puis tous les deux jours tout au long du développement embryonnaire jusqu'à l'éclosion.

Fig. 2.

Effet du DFB sur le poids des œufs au cours du développement embryonnaire chez S. gregaria (m ± sd, n= 9 à 11 œufs, les différentes lettres indiquent des moyennes significativement différentes au contrôle du même âge).

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Dans les oeufs témoins, les quantités d'ecdystéroïdes libres restent pratiquement stables pendant les 8 premiers jours d'incubation: ils fluctuent entre 26.2 ± 12.6 et 27.6 ± 3 pmol 20E equiv./oeuf (Fig. 4). Le jour 10, ces taux augmentent pour atteindre un pic avec 113.4 ± 27.5 pmol 20E equiv./oeuf, puis diminuent progressivement pour atteindre 45.6 ± 3.6 pmol 20E equiv./oeuf en fin du développement embryonnaire.

Chez les traités par contre, le DFB réduit de manière significative (F= 13.08, p< 0.001, ddl=4)) les quantités d'ecdystéroïdes dans les oeufs fraîchement pondus (7.6 ± 3.1 pmol de 20E les équivalents par oeuf). Ils restent stables et bas durant toute la période de l'embryogenèse (Fig.4).

Fig. 3.

Evolution du taux des ecdystéroïdes dans les ovaires des femelles de S. gregaria témoins et traitées au DFB au cours du premier cycle ovarien (m ± sd, n= 5 à 6, les différentes lettres indiquent des moyennes significativement différentes au contrôle du même âge). Les résultats sont exprimés en pmol 20 E équivalents par mg de tissu ovarien.

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Dans les oeufs, une grande quantité d'ecdystéroïdes peut exister sous forme de conjugués non décelables par l'EIA. Afin de détecter leur présence, nous avons procédé à une hydrolyse enzymatique des ecdystéroïdes conjugués pour libérer des ecdystéroïdes libres détectables par les anticorps dans l'EIA.

Après hydrolyse, les oeufs fraîchement pondus par les femelles témoins renferment des taux très élevés d'ecdystéroïdes sous forme de conjugués avec 419.2 ± 128.6 pmol 20E équivalents/oeuf, puis diminuent au cours des huit premiers jours de l'embryogenèse. Au jour 10, ces taux augmentent à nouveau pour atteindre un pic avec 581.1 ± 125.5 pmol 20E équivalents/oeuf puis redescendent en fin du développement embryonnaire (Fig.5).

Fig. 4.

Evolution au cours du développement embryonnaire du taux des ecdystéroïdes libres (avant hydrolyse) présents dans les extraits d'œufs de S. gregaria témoins et traités au DFB (m ± sd, n= 8–10, les différentes lettres indiquent des moyennes significativement différentes au contrôle du même âge). Les résultats sont exprimés en pmol 20E équivalents par oeuf.

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Après traitement le DFB réduit environ trois fois les taux d'ecdystéroïdes totaux dans les oeufs nouvellement pondus par les femelles traitées comparativement aux contrôles (160.9 ± 62.2 pmol de 20E équivalents par oeuf): ces taux hormonaux varient peu et restent bas tout au long du développement embryonnaire.

Discussion

Le rôle des ecdystéroïdes dans le contrôle de la physiologie reproductive chez divers ordres d'insectes, notamment les orthoptères, a fait l'objet de recherches intensives (Hoffmann et al. 1980, Hagedorn 1985, Lanot et al. 1987, Bellés 1998, Tawfik et al. 1999, Lafont et al. 2005). Chez les locustes, il est admis que les ovaires, et plus spécialement les cellules folliculaires sont le siège de la production d'ecdystéroïdes chez les femelles (Goltzené 1978, Tawfik et al. 2002). Les variations des titres des ecdystéroïdes ovariens pourraient être mises en relation avec un rôle éventuel de ces hormones dans la reproduction et le processus de vitellogenèse (Raikhel 2005).

Les expériences menées sur S. gregaria révèlent que??? les taux d'ecdystéroïdes dans les ovaires sont relativement bas durant la période de prévitellogenèse, augmentent durant la vitellogenèse, pour atteindre un pic le jour 12 de la vie adulte coïncidant avec la fin de vitellogenèse, et chutent dès la ponte chez les femelles témoins. Ces fluctuations des taux hormonaux ovariens sont corrélées avec l'évolution du poids des ovaires (Fig.1) et le développement des ovocytes au cours du premier cycle reproductif de cette espèce (Tail et al. 2008).

Nos résultats sont similaires à ceux obtenus par d'autres auteurs au sujet de la synchronisation pendant le premier cycle ovarien et des valeurs maximales des ecdystéroïdes dans les ovaires chez les locustes. Une forte synthèse d'ecdystéroïdes est notée pendant la dernière phase de la maturation des ovocytes terminaux chez S. gregaria (Tawfik et al. 1999) et chez Locusta migratoria (Lagueux et al. 1977, Goltzené et al. 1978, Tawfik et al. 2002). Tawfik et al. (1999), signalent un taux de 2.3 ng 20E équivalents par mg de tissu ovarien chez les solitaires et 8.9 ng 20E équivalents par mg de tissu ovarien chez les grégaires de cette espèce.

Fig. 5.

Evolution au cours du développement embryonnaire du taux des ecdystéroïdes conjugués (après hydrolyse) présents dans les extraits d'oeufs de S. gregaria témoins et traités au DFB (m ± sd, n= 8–10, les différentes lettres indiquent des moyennes significativement différentes au contrôle du même âge). Les résultats sont exprimés en pmol 20E équivalents par oeuf.

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Le DFB réduit significativement le poids des ovaires et les quantités des ecdystéroïdes ovariens de S. gregaria au cours du premier cycle reproductif. Les taux sont faibles le jour 4, augmentent légèrement les jours 8 et 12 puis rechutent dès la ponte. Précédemment, cet insecticide a réduit les taux des ecdystéroïdes hémolymphatiques: ils sont restés bas tout au long du premier cycle gonadotrope avec une diminution de la taille des ovocytes de base de S. gregaria (Tail et al. 2008). Le DFB a aussi diminué significativement la production d'ecdystéroïdes ovariens in vitro chez les femelles adultes de Gryllus bimaculatus (Lorenz et al. 1995).

Chez les locustes, la quasi-totalité (98%) des ecdystéroïdes synthétisés dans les cellules folliculaires (Glass et al. 1978, Goltzené et al. 1978) passent dans l'ovocyte et s'y accumulent sous forme de conjugués. Une fraction mineure des ecdystéroïdes au sein de l'ovocyte est représentée par de l'ecdysone libre (Tawfik et al. 1999).

La femelle fournit à l'oeuf des molécules hormonales sous forme de conjugués inactifs (Lagueux et al. 1979, Tawfik et al. 1999). L'embryon hydrolyserait ces conjugués et aurait à sa disposition les ecdystéroïdes libres nécessaires à son développement embryonnaire (Hoffmann et al. 1980, Hagedorn 1985, Hagele et al. 2004).

Dans des essais précédents, Le DFB administré par ingestion (30mg/ml d'eau) aux femelles de S. gregaria âgées de 5 jours, a retardé le moment de la première oviposition, a réduit de trois fois la fécondité des femelles et a causé une activité ovicide de 74 % sur les oeufs pondus par les femelles traitées dès leur exuviation comparativement aux témoins (Tail et al. 2008).

Appliquée sur des oeufs ou des femelles gravides de Névroptères, le DFB empêche l'émergence de la larve qui se développe normalement à l'intérieur de l'oeuf mais ne peut en sortir, bien que parfois elle parvienne à en briser la paroi (Medina et al. 2002). Royer (1992) confirme que les embryons de la punaise du cotonnier Dysdercus bloqués par le DFB, sont arrivés au terme de leur constitution et ne révèlent aucune aberration morphologique.

De même, l'évolution pondérale des oeufs traités indique que les embryons se développent et sont restés vivants jusqu'au 14e jour d'incubation, moment ou les oeufs témoins ont éclos (Fig. 2).

L'observation de cette activité ovicide du DFB sur les oeufs de S. gregaria a orienté notre étude à examiner si ces effets pouvaient être córreles à des interférences avec le système endocrine de l'embryon via les ecdystéroïdes.

Chez les témoins, les oeufs fraîchement pondus renferment des taux de 419.2 pmol 20E équivalents/oeuf sous forme de conjugués, puis les taux diminuent pendant les huit premiers jours du développement embryonnaire. Au 10e jour de l'embryogenèse, nous avons enregistré non seulement une augmentation des ecdystéroïdes libres mais également des quantités élevées de conjugués chez les témoins. Cela résulte probablement d'une synthèse de novo de ces hormones par la glande prothoracique de l'embryon qui est devenue fonctionnelle à ce stade.

Le dépôt ainsi que le métabolisme des ecdystéroïdes maternels dans les oeufs des locustes et la synthèse de novo d'ecdystéroïdes par l'embryon ont été déjà démontrés par d'autres auteurs (Lagueux et al. 1979, Scalia & Morgan 1982, Tawfik et al. 1999).

Selon Hägele et al. (2004), la quantité d'ecdystéroïdes est considérablement plus importante et subit des fluctuations marquées pendant l'embryogenèse dans les oeufs des femelles grégaires par rapport aux solitaires. Tawfik et al. (1999) signalent que les oeufs fraîchement pondus renferment 14 ng et 89 ng 20 E équivalents/oeuf respectivement, chez les solitaires et les grégaires de S. gregaria et que la majorité de ces ecdystéroïdes est sous forme de conjugués qui diminuent pendant la première moitié du développement embryonnaire. Ces taux hormonaux augmentent brusquement pour atteindre 70 ng 20 E équivalents/oeuf chez les solitaires et 400 ng 20 E équivalents/oeuf chez les grégaires de cette espèce. Hägele et al. (2004) montrent par contre que les taux hormonaux présentent deux pics: un petit pic enregistré le 3ème jour et un plus grand observé le 10ème jour d'incubation chez les grégaires de S. gregaria. Ces auteurs signalent aussi une corrélation positive entre la taille des oeufs et la teneur en ecdystéroïdes aux jours 10, 12 et 14 d'incubation.

Le DFB a réduit significativement la teneur des ecdystéroïdes libres et conjugués dans les oeufs pondus par les femelles traitées comparativement aux témoins.

Après hydrolyse enzymatique des conjugués, les oeufs nouvellement pondus contiennent 161 pmol 20 E équivalents/oeuf. Ces taux augmentent légèrement jusqu'au jour 6 pour atteindre 281.4 pmol 20 E équivalents/oeuf, puis diminuent le jour 10 avec 117 pmol 20 E équivalents/oeuf pour augmenter de nouveau et atteindre 264 pmol 20 E équivalents/oeuf en fin du développement embryonnaire.

Différents travaux ont montré que l'effet du DFB sur les taux d'ecdystéroïdes variait en fonction de l'origine de ces hormones. Ainsi lorsqu'elles proviennent de la glande de mue, le DFB semble sans effet sur leur taux (Hajjar & Casida 1979). Le DFB n'a pas d'effet inhibiteur direct sur la production d'ecdystéroïdes par des glandes prothoraciques de Periplaneta americana in vitro (Wittig et al. 1991). Au contraire, le DFB réduit les taux hormonaux quand les ecdystéroïdes ont pour origine l'épiderme chez les nymphes de Tenebrio molitor ou les ovaires chez les chrysalides de Cydia pomonella (Soltani et al. 1989). La réduction du taux des ecdystéroïdes chez les embryons de S. gregaria bloqués par le DFB suggère une origine maternelle et leur transfert à l'embryon. Le DFB pourrait perturber en début de développement le taux des ecdystéroïdes embryonnaires en agissant à plusieurs niveaux: le DFB interférait avec la vitellogenèse (Soltani & Soltani-Mazouni 1992). Rappelons que, pendant la vitellogenèse, le corps gras synthétise un précurseur de la vitelline (principale protéine du vitellus des oeufs des insectes), la vitellogénine: celle-ci est secrétée dans l'hémolymphe et absorbé par les ovocytes en cours du développement. En conséquence chez S. gregaria, le DFB pourrait interférer avec le processus de la vitellogenèse. Les ecdystéroïdes maternels qui sont transférés à l'embryon peuvent être liés aux vitellines (Lagueux et al. 1981, Hagedorn 1985, Lanot et al. 1987). Ainsi, le DFB interférerait avec le processus de conjugaison des ecdystéroïdes ovariens avec les vitellines.

La présence d'ecdystéroïdes dans les oeufs de diverses espèces d'insectes a amené à envisager un contrôle des mues embryonnaires comparable àcelui qui règle les mues larvaires. Des fluctuations des concentrations des ecdystéroïdes pendant l'embryogenèse indiquent qu'ils sont impliqués dans le contrôle du développement embryonnaire (Tawfik et al. 1999). Effectivement, des corrélations ont été établies entre les taux des ecdystéroïdes et la formation des cuticules embryonnaires chez différentes espèces telles que S. gregaria (Sbrenna 1974) et L. migratoria (Lagueux et al. 1979). Au cours du développement embryonnaire apparaissent dans les oeufs plusieurs pics de concentration d'ecdysone et de 20-hydroxyecdysone libres. Chez Locusta, deux de ces pics apparaissent avant la différenciation des glandes prothoraciques et il est suggéré que les tissus embryonnaires sont responsables de cette libération d'hormones libres en hydrolysant les conjugués d'origine maternelle.

Deux arguments plaident en faveur de cette idée chez les témoins de S. gregaria: les conjugués maternels d'ecdysone sont effectivement métabolisés au cours du développement embryonnaire, et d'autre part, la présence d'enzymes dans les oeufs est capables d'hydrolyser les conjugués et de faire réapparaître ainsi l'hormone libre. Des études précises de corrélations ont montré que l'apparition de chacun des pics d'ecdysone (ou de 20-hydroxyecdysone) libres correspond à une période de cuticulogenèse. Il est tout à fait probable qu'au cours du développement embryonnaire, l'ecdysone contrôle la cuticulogenèse comme elle le fait pendant le développement postembryonnaire: la cuticule sérosale, les deux cuticules embryonnaires et la cuticule larvaire. Dans le cas des deux derniers pics, l'ecdysone est convertie en 20 E (Lagueux et al. 1979, Hoffmann 1980). Cependant Dinan & Rees (1981) ainsi que Scalia & Morgan (1982) notent par contre un grand pic d'E libre vers la fin du développement embryonnaire de S. gregaria.

L'E libre présente un pic coïncidant avec la fermeture dorsale et la prolifération cellulaire, alors que le taux maximum de la 20 E coïncide avec la troisième mue embryonnaire durant laquelle la cuticule de type larvaire est déposée (Scalia et al. 1987).

Dans le cas des embryons de S. gregaria traités par le DFB, les taux d'ecdystéroïdes faibles enregistrés durant nos expériences; peuvent être la conséquence soit de la non activation directe ou indirecte de la glande prothoracique, soit de la désactivation des systèmes enzymatiques impliqués dans l'hydrolyse des conjugués maternels. De ce fait les taux hormonaux n'augmentent pas et par conséquent empêchent une sécrétion cuticulaire normale et l'éclosion.

Pour conclure, notre travail représente pour l'étude de l'effet du DFB une approche originale par plusieurs aspects. Le DFB réduit significativement les quantités des ecdystéroïdes ovariens dans les ovaires, mais aussi dans les oeufs, tant au niveau des E libres que des conjugués durant l'embryogenèse de S. gregaria. Toutes ces perturbations dans l'évolution de ces taux hormonaux dans les oeufs de S. gregaria bloqués par le DFB aident à expliquer l'effet ovicide de cet insecticide observé dans des expériences précédentes (Tail et al. 2008).

Remerciements

Les auteurs expriment leurs remerciements au Dr. Catherine Biais (Université Paris 6) pour la lecture du manuscrit et à Annick Maria pour l'aide technique.

Références citées

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Received: 26 October 2010; Accepted: 28 November 2010; Published: 1 December 2010
KEYWORDS
diflubenzuron
ecdysteroids
eggs
EIA
ovaries
Schistocerca gregaria
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