Pignal, M., C. Laudereau & P.-L. Laudereau (2023). Dendrobium amiceanum (Orchidaceae), a new species of section Macrocladium in New Caledonia. Candollea 78: 239–244. In French, English and French abstracts. DOI: http://dx.doi.org/10.15553/c2023v782a11
Dendrobium amiceanum M. Pignal & Laud. (Orchidaceae) is described from New Caledonia. The new species belongs to section Macrocladium Schltr., in particular to the group of D. pectinatum Finet. This high-altitude species is known only from four localities: Monts Humboldt, Kouakoué, Paéoua, and Grand Boulinda. It differs from D. pectinatum by being twice as large and having pubescent inner base of the petal, 3–5 calli (vs. 3 in D. pectinatum), and the labellum carinae extending to the epichile (vs. not exceeding the mesochile). An updated identification key to the New Caledonian species of the “Dendrobium pectinatum Finet group” is provided.
Received on May 9, 2023. Accepted on October 30, 2023. First published online on November 20, 2023.
Pignal, M., C. Laudereau & P.-L. Laudereau (2023). Dendrobium amiceanum (Orchidaceae), une nouvelle espèce de la section Macrocladium en Nouvelle-Calédonie. Candollea 78: 239–244. En français, résumés anglais et français. DOI: http://dx.doi.org/10.15553/c2023v782a11
Dendrobium amiceanum M. Pignal & Laud. (Orchidaceae) est décrite de la Nouvelle-Calédonie. L'espèce appartient à la section Macrocladium Schltr. et plus particulièrement au groupe D. pectinatum Finet. Cette espèce d'altitude n'est connue que de quatre localités: les Monts Humboldt, Kouakoué, Paéoua et Grand Boulinda. Elle se distingue de D. pectinatum par sa taille deux fois plus grande, la base interne du pétale pubescente, 3–5 callus (vs. 3 chez D. pectinatum) et des carènes du labelle qui se prolongent jusqu'à l'épichile (vs. ne dépassent pas le mésochile). Une clé d'identification des espèces néocalédoniennes du “groupe Dendrobium pectinatum Finet” est proposée.
Introduction
La flore de Nouvelle-Calédonie compte plus de 3400 plantes vasculaires avec un endémisme de 74,4 % (Jaffré et al., 2012). Cette dernière fait l'objet de travaux d'inventaires et le nombre de nouvelles espèces ne cesse de croître ces dernières années (Gâteblé et al., 2018). Plus récemment, Lannuzel et al. (2022) ont mentionné que 68 espèces dans plusieurs massifs miniers de la Grande Terre sont potentiellement nouvelles et menacées.
Les Orchidaceae de Nouvelle-Calédonie ont été traitées par Hallé (1977). Depuis 2020, elles sont révisées avec l'appui de nouvelles récoltes et des inventaires récents menés par CL et d'autres botanistes comme Jean-Pierre Butin. Dendrobium Sw. est représenté actuellement en Nouvelle-Calédonie par 44 espèces divisées en 14 sections (Pridgeon et al., 2014). Le genre est divisé en deux clades, l'un sud-australien et l'autre asiatique (Adams, 2011).
Schlechter (1906) a groupé les trois espèces Dendrobium cleistogamum Schltr., D. crassicaule Schltr. et D. pectinatum Finet au sein d'une nouvelle section Kinetochilus Schltr. pour les espèces à tiges épaisses, possédant des inflorescences naissant au niveau de la base de la gaine, en apparence opposées au limbe de la feuille immédiatement inférieure et avec un labelle mobile, relié par une base étroite au mentum.
Suite à des analyses en phylogénie moléculaire, la section Kinetochilus a été mise mis en synonymie de la section Macrocladium Schltr. (Pridgeon et al., 2014). Nous pensons cependant que la section Kinetochilus Schltr. telle que définie par Schlechter possède une unité morphologique assez homogène: (1) plantes à tiges épaisses, aux feuilles épaisses fortement asymétriques à l'apex; (2) inflorescences naissant au niveau de la base de la gaine, en apparence opposées au limbe de la feuille immédiatement inférieure, au labelle mobile, relié par une base étroite au mentum. En attendant de nouvelles études phylogénétiques, qui reconnaitraient la section Kinetochilus comme un clade monophylétique, nous considérons au sein de la section Macrocladium, un groupe d'espèces que nous définissons comme le “groupe Dendrobium pectinatum”.
Dendrobium sect. Macrocladium est la plus grande section du genre en Nouvelle-Calédonie, avec 19 espèces sur un total de 44 connues actuellement. Au sein du “groupe Dendrobium pectinatum”, plusieurs populations d'une espèce nouvelle ont été observées. Nous décrivons ci-dessous cette nouvelle espèce comme D. amiceanum M. Pignal & Laud.
Matériel et méthodes
Cette étude est fondée sur des observations morphologiques basées sur les spécimens des herbiers NOU et P. La géolocalisation des spécimens anciens a été réalisée a posteriori et sont cités entre crochets. Les collections virtuelles présentes sur les portails JSTOR Global Plants [ https://plants.jstor.org] et RECOLNAT [ https://www.recolnat.org] ont été consultées. Les photographies de terrain réalisées par CL sont aussi consultables sur le site de l'association Endemia [ https://endemia.nc].
Les mesures données dans les descriptions ont été effectuées sur les spécimens des herbiers de NOU et P, ainsi que sur les images disponibles en utilisant l'outil Annotate-on (version 1.9.56) proposé par l'infrastructure RECOLNAT [ https://www.recolnat.org/fr/annotate]. Dans la description de la nouvelle espèce, lorsque les organes ont fait l'objet de nombreuses mesures, celles-ci sont exprimées selon la convention: (minimum–)premier quartile–troisième quartile(–maximum). Les mesures des fleurs ont été effectuées à partir d'une inflorescence in vivo d'où sont issues les photos de la dissection portées sur la figure 1.
Clef d'identification des espèces du “groupe Dendrobium pectinatum” en Nouvelle-Calédonie
(adaptée de Pignal et al., 2020)
1. Limbe 4–6 fois plus long que large, apex échancré, non bifide, à lobes fortement asymétriques; fleurs cléistogames D. cleistogamum
1a. Limbe 2–4 fois plus long que large, apex à lobes asymétriques en général peu échancrés; fleurs s'ouvrant normalement 2
2. Inflorescences aussi longues ou à peine plus longues que les feuilles 3
2a. Inflorescences 2–3 fois plus longues que les feuilles 4
3. Tépales c. 11 mm de longueur; tiges jusqu'à 1 m de longueur; pétales portant des poils à la base de la face interne D. amiceanum
3a. Tépales c. 5 mm de longueur; tiges jusqu'à 0,5 m de longueur; pétales glabres D. pectinatum
4. Inflorescences flexueuses (en zig-zag), 10–14 cm de longueur; tiges jaunâtres in vivo (grisâtres sur le matériel in sicco); plantes épiphytes robustes jusqu'à 1,5 m de hauteur D. crassicaule
4a. Inflorescences droites, 4–8 cm de longueur; tiges rougeâtres in vivo (brun-jaunâtres in sicco); plante lithophyte c. 20–30 cm de hauteur D. veillonii
Key to the species of the Dendrobium pectinatum group in New Caledonia
(adapted from Pignal et al., 2020)
1. Leaf blade 4–6 times as long as wide, apex notched, not bifid, with strongly asymmetric lobes; flowers cleistogamous D. cleistogamum
1a. Leaf blade 2–4 times as long as wide, apex with asymmetrical lobes usually barely notched; flowers opening normally 2
2. Inflorescences as long as or slightly longer than leaves 3
2a. Inflorescences 2–3 times as long as leaves 4
3. Tepals c. 11 mm long; stems up to 1 m high; petals hairy at the base of the inner side D. amiceanum
3a. Tepals c. 5 mm long; stems up to 0.5 m high; petals glabrous D. pectinatum
4. Inflorescences flexuous (in zigzag), 10–14 cm long; stems yellowish in vivo (grayish in sicco); robust epiphytic plants up to 1.5 m high D. crassicaule
4a. Inflorescences straight, 4–8 cm long; stems reddish in vivo (yellowish-brown in sicco); lithophyte c. 20–30 cm high D. veillonii
Taxonomie
Dendrobium amiceanum M. Pignal & Laud., sp. nov. (Fig. 1A, 2).
Holotypus: Nouvelle-Calédonie. Prov. Sud: Païta, Mont Humboldt, 21°52′58″S 166°24′46″E, 1340–1360 m, 18.XII.2016, fl., fr., C. Laudereau & P.-L. Laudereau 206 (NOU [NOU090390]!, iso-: P [P02275941]!).
Dendrobio pectinato Finet similis, sed usque 1 m in altitudine (vs. 0.5 m), foliis angulo 45° dispositis (vs. perpendicularia), 2.5-plo longioribus, inflorescentiis semper unifloris (vs. 2(–3)-floras), petalis patentibus (vs. sub angulo 45°), c. 2-plo longioribus, petalorum interna base pubescenti (vs. glabram), labelli margine recurvata incrassataque (vs. tenuem paulo recurvatamque), epichilo triangulari (vs. rotundatum), labello superne longitudinalibus 3–5 carinis (vs. 3) attingentibus epichilum (vs. mesochilum) atque inferne munito fossula (vs. carens), praecipue differt.
Plantes épiphytes en forêt, jusqu'à 1 m de hauteur. Rhizome très court c. 2 cm de longueur. Tiges de (60–)100 × 2(–3) mm, entrenœuds de c. 30 mm de longueur. Feuilles à limbe coriace, 17 × 6(–8) mm, à nervures nombreuses visibles, nervure centrale marquée, à apex bilobé asymétrique (lobes 0,6–1 mm de hauteur), à gaine fibreuse de 10(–13) × 5 mm, jaune verdâtre à stries marginales marquées rouge, apex à 2 lobes asymétriques (le plus long de 1 mm). Inflorescences axillaires uniflores. Fleur jaune pâle; sépales et pétales étalés sur un plan, pédicelle 6 × 0,7 mm, vert pâle. Sépale médian étroitement ové, 11 × 3,6 mm, jaune pâle. Sépales latéraux triangulaires asymétriques, jaunes, à extrémité apiculée, 12 × 5,5 mm, soudés entre eux sur les ¾ de leur base. Pétales ovés à largement elliptiques, jaunes à strie centrale rouge, 10 × 4,5 mm, à 6 stries visibles par transparence, poils pluricellulaires blancs à la base de la face interne. Mentum épais, jaune (strié de pourpre face antérieure), 4,6 × 2 × 1,1 mm. Labelle toujours en position relevée, épichile anguleux, bordure du labelle épaissie et recourbée, sillon face abaxiale, callus 3, peu massifs et divergents au niveau de l'hypo-chile, ne débordant pas vers le mésochile et se prolongeant par 3–5 carènes longitudinales jusqu'à l'épichile, jaune brunâtre (parfois pourpre, fide MacKee 39905). Ovaire recourbé, côtelé, en cône étroit, 4 × 1,2 mm. Colonne jaune, 1,4 × 1,4 × 0,8 mm; cavité stigmatique 1 × 0,5 mm; opercule du connectif jaune à base blanche à l'extérieur, blanc à l'intérieur, sillonnée à la base, 1 × 0,8 mm; pollinies jaunes, recourbées, 0,6 × 0,3 mm. Fruit mûr non vu, jeune fruit de 10 × 3 mm.
Étymologie. – Cette espèce est dédiée à Rémy Amice, membre de l'autorité de la liste rouge de Nouvelle-Calédonie UICN (RLA-NC), botaniste ptéridologue (Perrie et al., 2023; Shepherd et al., 2023) et très actif dans les inventaires botaniques du territoire.
Distribution et écologie. – Ce taxon n'est connu que de quatre localités de haute altitude (1060–1500 m) aux Monts Humboldt, Paéoua, Kouakoué et Grand Boulinda. Il croît en épiphyte en maquis arbustifs ou en forêts humides sur substrat ultramafique en populations localement abondantes.
Phénologie. – Dendrobium amiceanum semble avoir une période de floraison restreinte d'octobre à décembre, à la différence de D. pectinatum qui fleurit tout au long de l'année; fructification en décembre.
Statut de conservation. – Dendrobium amiceanum n'est connue que de quatre populations d'altitude entre 1100 m et 1500 m (Monts Humboldt, Paéoua, Kouakoué, et Grand Boulinda). Même si les populations des Monts Humboldt et Kouakoué sont relativement épargnées par les activités minières, ce n'est pas le cas des Monts Paéoua et Grand Boulinda et les populations risquent de diminuer localement. De plus, les individus adultes souffrent de sécheresses répétées à ces altitudes. Pour ces raisons, la nouvelle espèce est évaluée provisoirement comme «En danger» [EN A2+B2ab(ii,iii,v)] selon les Catégories et les Critères de l'UICN (2012).
Notes. – Dendrobium amiceanum diffère de D. pectinatum par une taille supérieure (1 m vs. 0,5 m), des limbes jusqu'à 17 mm (vs. 7 mm), une inflorescence uniflore (vs. 2–3-flore), des fleurs deux fois plus grandes, des pétales à poils pluricellulaires blancs à la base de la face interne, un labelle plus anguleux, comportant plus de callus et de carènes, ces dernières plus longues. Le tableau 1 résume les caractères morphologiques distinctifs entre ces deux espèces. Par ailleurs le nouveau taxon ne se trouve qu'en haute altitude.
La parenté de cette nouvelle espèce avec Dendrobium pectinatum dont elle partage de nombreux caractères ne fait aucun doute. L'hypothèse de populations polyploïdes n'est pas à écarter, mais plusieurs caractères nous amènent à distinguer clairement ce nouveau taxon de D. pectinatum (Tableau 1).
Spécimens examinés. – Nouvelle-Calédonie. Prov. Nord: Mont Boulinda, [21°15′54″S 165°08′54″E], 1100 m, 9.XI.1971, fl., Jaffré 485 (NOU [NOU003692, NOU083843], P [P00115124]); Pouembout, Mont Paéoua, 21°10′37″S 165°05′13″E, 1060–1080 m, 26.XI.2017, fl., C. Laudereau & P.-L. Laudereau 616 (NOU [NOU092933]), 617 (NOU [NOU092934]), 618 (N OU [NOU092935]), 619 (NOU [NOU092936]), 620 (NOU [NOU092937]); Mont Paéoua, contrebas du sommet, 1142 m, [21°10′18″S 165°05′49″E], 16.X.1986, Veillon 6093 (NOU [NOU083839], P [P00115116]). Prov. Sud: Païta, Mont Humboldt refuge, 21°52′51″S 166°24′26″E, 1320–1340 m, 21.XII.2017, fl., C. Laudereau & P.-L. Laudereau 642 (NOU [NOU092938]), 643 (NOU [NOU092939]); Mt. Kouakoué, 1480 m, [21°57′22″S 166°31′43″E], 20.XI.1981, MacKee 39905 (P[P00115125]!, BR [BR0000032826142] image!); Mt Humboldt, c. 28 air-km N of Nouméa, [21°52′52″S 166°24′20″E], 1300 m, fl., 19.XII.1980, McPherson 3444 (MO [MO-3260114] image!, P [P00115119]); Mont Humboldt, [21°53′S 166°24′26″E], 4.XI.1976, Morat 5167 (NOU [NOU003690, NOU083844], P [P00115129]).
Tableau 1.
Comparaison morphologique entre Dendrobium pectinatum Finet et D. amiceanum M. Pignal & Laud.
Remerciements
Les auteurs remercient Jacques Florence pour avoir commenté et corrigé la diagnose latine. Ils souhaitent remercier également Gildas Gâteblé pour ses observations de terrain, les collègues des herbiers NOU et P, ainsi que Jérôme Munzinger, Simon Verlynde et Martin Callmander pour leurs remarques pertinentes au sujet du manuscrit. Un remerciement spécial à Rémy Ancellin de la Société des Sciences Naturelles et Mathématiques de Cherbourg pour nous avoir permis d'accueillir le matériel d'herbier en prêt à la société et d'avoir été le chercher à l'herbier P. Le MNHN et l'IRD sont membres du GIS RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004).
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