L'étude de l'effectif, de la structure en classes d'âges et des mouvements de Hippopotamus amphibius a été conduite dans la Réserve de Biosphère de la Mare aux Hippopotames au Burkina Faso. Pendant 3 années d'affilée (2006, 2007 et 2008), des prospections et des inventaires de terrain ont été menés à l'intérieur et à la lisière de la réserve. Les résultats des inventaires ont permis de dénombrer 41 hippopotames en 2008 contre 35 tětes en 2006, répartis en 3 troupeaux distincts. La structure en classes d'âges de cette population était de 32 adultes, 5 subadultes et 4 juvéniles. L'emplacement de leurs aires de repos dans la mare variait suivant le niveau de l'eau. L'inventaire a identifié 8 sites de sorties, sur chaque rive de la mare, utilisées par les hippopotames pour se rendre dans les gagnages. De měme, la prospection de la réserve a identifié 4 mares temporaires situées à proximité des prairies aquatiques qui constituaient des zones de migration où les hippopotames se réfugiaient pendant la saison pluvieuse. Ces zones étaient entourées par des champs qui étaient souvent saccagés par ces mammifères pour leur alimentation. Il est urgent de négocier un zonage de l'activité agricole et de conférer un statut particulier de conservation à ces 4 sites afin de minimiser les conflits homme-hippopotame. Les récentes actions de surveillance menées en partenariat avec les communautés locales ont probablement permis l'accroissement de l'effectif de 6 hippopotames en 3 ans.
Introduction
L'hippopotame commun (Hippopotamus amphibius L.) est, après l'éléphant (Loxodonta africana Cuvier), le deuxième plus grand mammifère sauvage au Burkina Faso [1]. Il jouit dans ce pays d'un statut de protection intégrale suite aux différentes conventions (Convention d'Alger, 1968; Convention de Washington ou CITES, 1973) signées par l'Etat du Burkina Faso [2, 3]. D'après l'inventaire national réalisé en 1981, l'effectif de la population de cette espèce était estimé à l'époque à près de 500 individus dans le pays [4]. Ces hippopotames sont répartis sur quelques plans d'eau dont le complexe des rivières “W”-Arly-Pendjari, la Réserve de Biosphère de la Mare aux Hippopotames (RBMH), les lacs de Bagré et de Tingréla, les rivières de la Comoé, de la Léraba, du Sourou et de la Bougouriba (Fig. 1). La fragmentation géographique de cette population plaide pour une conservation de l'espèce site par site, chaque population possédant peut-ětre un patrimoine génétique unique.
La population d'hippopotames dans la mare de la RBMH était estimée à 68 tětes en juin 1985 [5] et à 33 individus en novembre 1991 [6]. Ce dernier effectif fut maintenu jusqu'en décembre 2004 [7]. La population d'hippopotames dénombrée en novembre 1991 était répartie en trois troupeaux de 8, 3 et 22 individus disposés suivant l'axe central de la mare (Appendice 1). C'est sur cet axe qu'ils se reposaient dans la journée en attendant le coucher du soleil afin de rejoindre les gagnages situés sur les rives de la mare. Les enquětes à dire d'acteur conduites en 2006 estimaient la population à une trentaine d'hippopotames répartis entre 3 ou 4 troupeaux effectuant des migrations temporaires locales entre juillet et octobre [8]. Ces migrations sont vraisemblablement fonction de la hauteur de l'eau dans la mare principale. Cependant, ces données ne provenaient pas d'un inventaire au sens propre du terme.
La présence de cette population d'hippopotames favorise une activité touristique et représente une source de revenus non négligeables pour les populations riveraines [8]. Ces ressources financières constituent un incitant certain pour la conservation locale de l'espèce [910–11]. Pour améliorer cette offre touristique et préciser les objectifs de conservation, il est important de connaître l'effectif de ces hippopotames dans la RBMH et de déterminer leurs mouvements saisonniers, aujourd'hui encore inconnus.
Méthodes
Milieu d'étude
L'actuelle Réserve de Biosphère de la Mare aux Hippopotames est une forět classée par arrěté N° 8336 SE du 26 mars 1937 qui a été intégrée au réseau des Réserves de Biosphère le 12 janvier 1987 par l'UNESCO [1213–14]. Elle couvre une superficie de 19,200 ha et est située à environ 60 km au nord de Bobo Dioulasso entre les latitudes 11°30’ et 11°45’ et les longitudes 04°05 et 04°12 ouest [15] (Appendice 2). Son climat est de type sud soudanien avec une pluviométrie annuelle d'environ 1,200 mm. La végétation est constituée de plusieurs formations parmi lesquelles on distingue une végétation aquatique autour de la Mare, les forěts galeries, les forěts claires et les forěts denses sèches ainsi que les savanes arborées et arbustives [14, 16]. La faune de cette réserve est célèbre pour ses hippopotames (Hippopotamus amphibius L.) qui vivent en permanence dans une Mare d'où découle le nom de la Réserve, dite ≪ Réserve de Biosphère de la Mare aux Hippopotames ≫. D'autres mammifères sont également présents dans la Réserve [17, 18]. Citons notamment l'éléphant (Loxodonta africana Cuvier), le guib harnaché (Tragelaphus scriptus Pallas), l'hippotrague (Hippotragus equinus Desmarest), le phacochère (Phacocoerus africanus), l'ourébi (Ourebia ourebi Zimmerman), le céphalophe de Grimm (Sylvicapra grimmia L.), le waterbuck (Kobus ellipsiprymnus Ogilby), le singe patas (Erythrocebus patas Schreber), le babouin (Papio anubis Lesson). A coté de cette faune mammalienne, vit une avifaune riche et variée [6].
La Mare est une étendue d'eau allongée d'environ 2.6 km de long et 0.7 km de large avec une superficie variant entre 98 et 120 ha pendant l'étiage [6, 7, 18]. En période de crue la profondeur de la mare peut dépasser 3 m (Appendice 3). A cette période les hippopotames quittent la mare principale et rejoignent les poches d'eaux moins profondes situées aux alentours. Ils ne retournent dans la mare qu'entre octobre et novembre [6, 8].
Une population humaine, estimée à environ 29,800 habitants, vit dans 10 villages périphériques à la réserve. Les principaux groupes socioculturels sont les Bobo (autochtones) et les Peul, Samo et Marka (considérés comme allochtones). Les activités agropastorales et halieutiques constituent les principales occupations quotidiennes et sources de revenus de cette population [8].
Les principaux problèmes de la réserve sont les feux tardifs de végétation, le braconnage, les conflits hippopotames/pěcheurs et hippopotames/agriculteurs, la pěche avec des engins prohibés, les pâturages illicites par les pasteurs transhumants et l'exploitation illicite du bois vert [7]. Pour contrôler ces actions nocives à la durabilité de la Réserve, le Projet de Partenariat pour la Gestion des Ecosystèmes Naturels (PAGEN), projet dont la fin est intervenue en décembre 2007, a mis en place l'Association inter-villageoise pour la Gestion des Ressources Naturelles et de la Faune (AGEREF). Cette association est une structure faîtière communautaire qui réunit les organisations des producteurs œuvrant dans la zone sous influence de la Réserve [8].
L'hippopotame commun
L'hippopotame commun (Hippopotamus amphibius, Linné 1758) est un gros mammifère typiquement africain [1920–21]. Il appartient à l'ordre des Ongulés, au sous-ordre des Artiodactyles et à la famille des Hippopotamidés qui comprend deux espèces différentiables par leur taille [22]:
– l'hippopotame nain (Choeropsis liberiensis, Morton 1844) dont la hauteur au garrot est de 0.90 m et
– l'hippopotame commun (Hippopotamus amphibius, Linné 1758) dont la hauteur au garrot est d'environ 1.40 m.
L'hippopotame commun comprendrait 3 à 5 sous-espèces difficiles à distinguer sur le terrain [22, 23]. L'examen de la diversité et de la structure génétique des populations d'hippopotames à travers le continent sur la base de l'ADN mitochondrial a permis de prouver que la différentiation génétique est basse mais significative parmi 3 des 5 groupes présumés [24]. Cela voudrait dire que les hippopotames communs comprennent 3 sous espèces qui sont: Hippopotamus amphibius amphibius, H. a. capensis et H. a. kiboko. Celui de la RBMH se rattacherait à H. a. amphibius.
En Afrique, les populations d'hippopotames sont menacées par la disparition de leur habitat, la chasse non contrôlée et les conflits armés. En République Démocratique du Congo où la population était estimée à 30,000 individus dans le Parc National des Virunga [20], on ne dénombre actuellement que quelques 3,000 tětes [25]. Compte tenu de son grand danger d'extinction, l'hippopotame est inscrit depuis 1995 à l'annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (CITES) et classé par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans la catégorie ≪ vulnérable ≫ de la liste rouge des espèces menacées [25]. Les effectifs d'hippopotames sont estimés de nos jours entre 125,680 et 149,230 individus [25]. Les populations dans les divers pays d'Afrique de l'Ouest sont elles fortement fragmentées en petits groupes de 50 à 500 animaux pour un effectif d'environ 7,600 hippopotames [9].
Collecte et analyse de données
La collecte des données, réalisée de 2006 à 2008, a consisté à inventorier la population d'hippopotames, à déterminer des aires de repos et de parcours, à identifier les sorties ou entrées et à localiser les zones de refuges et de migration des hippopotames.
L'inventaire des hippopotames a permis de connaître l'effectif de la population, de localiser les aires de repos et d'identifier les différentes sorties situées sur les rives de la mare. Trois équipes ont été mises en place dont l'une s'est servie d'une barque en suivant l'axe central du plan d'eau et les deux autres à pieds en suivant le long des deux rives. Chaque équipe est composée d'un chef d'équipe chargé de noter les données sur des fiches d'observation et de deux observateurs.
L'équipe centrale (sur l'eau) est chargée de compter le nombre d'individus qui constituent le troupeau, de déterminer les différentes classes d'âge, d'apprécier la distance d'observation, de déterminer l'emplacement des troupeaux et d'identifier les animaux commensaux.
L'épaisseur de la těte a été le critère principal pour distinguer les adultes des subadultes. L'hippopotame adulte a une těte plus large que celle d'un subadulte. Les juvéniles ont été identifiés grâce à leur comportement (à proximité ou sur le dos de leurs mères).
Pour les deux équipes qui suivent les rives de la mare, à chaque fois que l'équipe identifie un site de sortie, elle s'arrěte pour enregistrer les coordonnées à l'aide du ≪Global Positioning System (GPS)≫.
Deux inventaires ont été réalisés chaque année (2006, 2007 et 2008) pour un total de 6 inventaires dont un en juin correspondant à l'étiage de la mare et un en décembre correspondant au retour présumé des hippopotames de leur migration [8]. Chaque inventaire a été réalisé en deux temps:
– le matin entre 7 h et 10 h correspondant au retour des hippopotames des gagnages;
– le soir entre 15 h et 18 h, période à laquelle les hippopotames s'apprětent à rejoindre les gagnages.
Au cours des différents inventaires, les animaux commensaux observés étaient également notés.
En plus des comptages directs des hippopotames, des interviews semi structurées complémentaires ont été réalisées selon la méthode accélérée de recherche participative [26] auprès des populations riveraines, en présence du Président de l'AGEREF et avec leur consentement libre et éclairé. Avant d'aborder notre questionnaire nous leur avons expliqué les objectifs et implications de l'étude et leur avons demandé si elles étaient d'accord pour nous fournir des informations sur i) l'impact du braconnage sur les hippopotames, ii) la zone d'influence des hippopotames et iii) la localisation de leurs zones de migration. A ce propos, elles ont répondu qu'elles acceptaient de nous donner toute information pouvant contribuer à la connaissance et à une meilleure protection de la réserve.
Les interviews ont été suivies de prospections partant des cours d'eau de la RBMH jusqu'à la rivière Mouhoun ainsi que la partie ouest de cette rivière qui longe la réserve.
Au cours de la prospection, les indices de présence des hippopotames (empreintes digitales et fèces) ont été relevés et enregistrés à l'aide du GPS.
La saisie et l'encodage des données collectées ont été réalisés à l'aide du tableur Excel. L'analyse statistique a été faite avec le logiciel Minitab13 et a consisté à faire la moyenne et l'écart-type des paramètres (effectif et structure en classes d'âges) suivant les années. Le logiciel Arc view a permis de cartographier la zone sous influence des hippopotames dans la RBMH, de schématiser les sorties d'hippopotames de la mare principale, de localiser les gagnages de saison sèche et les zones de migration.
Tableau 1.
Nombre de troupeaux et effectif des hippopotames dans la mare de la Réserve de Biosphère de la Mare aux Hippopotames de 2006 à 2008
Résultats
Effectif et structure des hippopotames dans la mare
Les effectifs moyens des hippopotames inventoriés à la barque ont été de 35 individus en 2006 et de 41 individus en 2007 et 2008. Ces différents effectifs représentaient les hippopotames vivant en permanence dans la mare entre novembre et juillet (Tableau 1). L'analyse de la structure en classes d'âges donnait 32 adultes, 5 subadultes et 4 juvéniles en décembre 2008 (Tableau 2).
Zone d'influence des hippopotames
Le traitement des données sur les indices de présence des hippopotames relevés dans la réserve a permis d'estimer la zone d'influence de ce mammifère en saison sèche à une superficie de 14.80 km2. Cet espace s'étendait des sources du cours d'eau qui engendrait la mare (le Tinamou) jusqu'à la confluence de la mare avec le Mouhoun, et remontait aussi le cours d'eau Leyessa (Fig. 2).
En ce qui concerne l'emplacement des troupeaux, les observations ont montré un déplacement de l'aire de repos des hippopotames durant les différentes années d'inventaire (Fig. 3).
Animaux commensaux
Les oiseaux suivants ont été identifiés comme des animaux vivant en compagnie des hippopotames: le héron cendré (Ardea cinerea), le héron pourpré (Ardea purpurea), le héron crabier (Ardeola ralloides), le héron garde-bœuf (Bubulcus ibis), le cormoran africain (Phalacrocorax africanus), le jacanas (Actophilornis Africanus), le vaneau du Sénégal (Vanellus senegallus), l'ombrette (Scopus umbretta), la poule d'eau (Gallinula chloropus), le martin pěcheur (Ceryle rudis), le choucador (Lamprotornis chloropterus) et le rollier (Coracias abyssinica).
Braconnage
Des entretiens menés avec les pěcheurs, il est ressorti qu'entre 1991 et 2008, une dizaine d'hippopotames auraient été braconnés dont 5 entre 2007 et 2008.
Identification des sites de sorties ou entrées et des refuges des hippopotames
En saison sèche, les hippopotames, revenus dans la mare de la RBMH empruntaient, pour accéder aux gagnages, des pistes qui sont reliées à la mare par des sorties situées sur les rives. Au cours des différents inventaires nous avons dénombré près d'une dizaine de points de sorties ou d'entrées situés de chaque côté des rives de la mare (Fig. 3). Toutes ces pistes convergeaient vers des pâturages (Fig. 4) qui étaient souvent des repousses sur zones inondables où les surveillants pratiquaient des feux de végétation précoces après le retrait des eaux. Ces pâturages étaient les suivants:
– Le pâturage constitué de Andropogon africanus Franch., Andropogon ascinodis C. B. Cl., Andropogon gayanus Kunth et Schizachyrium sanguineum (Retz.) Alston situé à 200 m environ au nord de la Mare;
– Le pâturage à Vetiveria nigritana Stapf, Ipomea aquatica Forsk, Trapa natans L., Sporobolus pyramidalis P. Beauv., Pistia stratiotes L., etc., situé entre l'ancienne piste d'entrée à la Mare et l'extrěme nord de la mare;
– Le pâturage à dominance de Leersia hexandra Swartz, situé à l'extrěme sud de la Mare;
– Le pâturage à Cissampelos mucronata A. Rich. grimpant sur les plants de Mitragyna inermis (Wild) Kuntze situé le long de la rive ouest de la Mare.
En outre, nous avons constaté que les sorties ou entrées des hippopotames étaient les passages utilisés par les agri-pěcheurs à la recherche de poissons. Ces passages leurs permettaient d'accéder facilement au lit de la mare et très souvent ils installaient leurs filets de pěche en ces lieux.
Le suivi nocturne des mouvements des hippopotames a montré que ces mammifères utilisaient ces passages entre 18 et 20 h pour se rendre dans les pâturages et pour ne revenir qu'après l'alimentation entre 5 et 6 h.
En comparant l'inventaire de juin 2006 à celui de juin 2008, nous avons observé une augmentation d'effectif de 9 individus. S'agissant des effectifs moyens nous avons relevé un croît de 6 individus entre l'inventaire de 2006 et celui de 2008. Cette augmentation de l'effectif du troupeau était plus sensible chez les adultes car il est passé de 22 individus en juin 2006 à 32 individus en décembre 2008 (Tableau 2). Ces hippopotames semblaient jouir d'une grande quiétude à telle enseigne que nous les avons trouvé souvent en repos aux abords de la mare (Fig. 5). Ils étaient měmes visibles à une distance d'observation d'environ 50 m. Ces hippopotames étaient regroupés en 3 troupeaux dont le plus grand troupeau est constitué de 35 individus, un deuxième de 5 individus et le troisième d'un vieux couple d'hippopotames aux inventaires de décembre 2007 et de juin 2008 (Fig. 3).
Outre les pâturages, il est également apparu que les sorties étaient contiguës à des pistes qui convergeaient vers des zones de refuges d'hippopotames qui étaient des forěts ripicoles constituées de peuplements de Morelia senegalensis A. Rich (Fig. 5).
Tableau 2.
Effectif des classes d'âges des hippopotames dans la mare de la Réserve de Biosphère de la Mare aux Hippopotames de 2006 à 2008
Localisation des zones de migration des hippopotames
Pendant les périodes de crues, les populations d'hippopotames migraient vers des eaux peu profondes où ils attendaient la fin des pluies (au cours du mois d'octobre) pour rejoindre la Mare. Durant les différentes sorties de terrain, quatre zones de migration situées le long des rives de la rivière Mouhoun ont été identifiées (Fig. 4). Il s'agit des mares de Barkanassin, d'Oui, de Hamdallaye et de Sanadé dans le département de Padéma. Ces mares sont situées à proximité des prairies aquatiques où les hippopotames s'alimentaient pendant la saison pluvieuse. En plus des pâturages naturels, ces gros mammifères pénétraient parfois dans les champs des villages voisins où ils consommaient les pieds de céréales tels que le maïs et le riz (Fig. 5).
Discussion
La Mare de la Réserve de Biosphère de la Mare aux Hippopotames n'a connu que des inventaires ponctuels de ses populations d'hippopotames de 1985 à 2004. La présente étude présente des résultats d'inventaires sur trois années successives (2006, 2007 et 2008). L'effectif maximal des populations d'hippopotames observées est de 42 individus en décembre 2007 et juin 2008. Cet effectif donne une densité d'environ 3 hippopotames/km2 par rapport au domaine parcouru par l'espèce en saison sèche. Il représente environ 61 % de la population d'hippopotames observée en 1985 [5]. Les causes de la régression sont essentiellement à imputer au braconnage. Les enquětes menées auprès des populations ont relevé que les abattages ont notamment pour origine des pratiques religieuses car la viande d'hippopotame est exigée pour certaines cérémonies coutumières annuelles [8]. L'action récente de surveillance semble avoir permis un léger accroissement de l'effectif qui est passé de 33 individus en juin 2006 à 42 individus en juin 2008. L'effectif des hippopotames de la RBMH se trouve aujourd'hui dans la měme fourchette que les effectifs des groupes d'hippopotames observés sur d'autres plans d'eau d'Afrique de l'ouest: 31 individus dans le parc national du Bui de Black Volta au Ghana, 22 individus sur le complexe d'Orango en Guinée-Bissau, 30 individus dans les terroirs villageois en zones humides des départements du Mono et du Couffo au Sud-Bénin [27282930– 31]; ce qui ne veut pas dire que cet effectif constitue une population viable à long terme.
Les résultats obtenus ont révélé également que les hippopotames migraient dans 4 mares temporaires situées le long de la rivière Mouhoun pendant la saison pluvieuse (Fig. 4). Ils ne quittaient ces mares lorsque le niveau d'eau est redevenu très bas dans la mare principale. Nous ignorons cependant encore si la population d'hippopotames de la RBMH entretient encore des contacts avec des populations d'hippopotames voisines.
L'étude a montré enfin que, lors des migrations, les hippopotames pouvaient saccager les productions agricoles. Ces dégâts constituent une source de conflits avec les populations locales [8, 3031323334–35] et peuvent conduire à des abattages de représailles.
Implication pour la conservation
Les inventaires antérieurs [5] ont prouvé que la mare pouvait accueillir des densités supérieures à celles d'aujourd'hui. Des mesures complémentaires de gestion et de conservation doivent donc ětre prises:
S'agissant de la surveillance participative, des efforts supplémentaires pour renforcer la surveillance de ces mammifères et impliquer encore davantage les populations locales sont nécessaires. La surveillance doit ětre organisée en patrouilles mixtes administration/populations locales et ětre axée sur les résultats (augmentation des primes en cas d'augmentation des populations d'hippopotames). Les données présentées dans cet article pourraient servir de base pour l'évaluation annuelle de ces effectifs et de la prime.
Pour ce qui concerne le zonage, afin d'éviter les dégâts agricoles qui sont des sources de conflits, il est essentiel pour une meilleure conservation de l'espèce, que les gestionnaires de la réserve négocient avec les populations riveraines un zonage strict de l'activité agricole et précisent le statut de conservation des mares périphériques qui abritent les migrations temporaires identifiées par cette étude. Ce zonage pourrait s'étendre aux limites initiales de la réserve avec un débordement au-delà de la rivière Mouhoun. Si la zone extérieure à la réserve venait à ětre créée, elle pourrait ětre érigée en Zone Villageoise d'Intérět Cynégétique (ZOVIC) sous la gestion des communautés villageoises riveraines en partenariat avec les services forestiers [36]. L'application de la petite chasse dans cette zone pourrait constituer une source de revenus complémentaires pour la communauté et constituer une zone tampon pour la réserve. La faisabilité d'une telle co-gestion de la périphérie de la réserve et de ses différentes modalités devrait ětre étudiée.
Pour une meilleure valorisation de l'écotourisme de la réserve, les résultats portant sur l'effectif, la structure en classes d'âges, la zone de migration ainsi que la zone d'influence des hippopotames en saison sèche constituent des informations utiles pour la qualité de l'accueil écotouristique. Une meilleure organisation de ces activités écotouristiques stimulerait par ailleurs les populations locales à contribuer d'avantage à la protection de ces mammifères.
Enfin, en ce qui concerne les mouvements de ce mammifère, nous pensons que pour mieux appréhender la dynamique de cette population d'hippopotames et déterminer si elle est encore en contacts avec d'autres populations, il s'avère nécessaire d'effectuer un suivi de cette espèce dans les cours d'eau voisins (la rivière Mohoun et ses affluents Sourou, Samandeni et Bougouriba). Cela permettrait d'une part de vérifier si certains mâles devenus adultes ne migrent pas vers ces rivières pour éviter d'affronter le mâle dominant et d'autre part si il subsiste d'autres reliques de populations dont la conservation serait prioritaire. Toutes ces hypothèses peuvent ětre vérifiées dans le cadre d'un programme de recherche qui viserait, d'une part à suivre les itinéraires empruntés par les hippopotames pendant la migration, et d'autre part à caractériser l'ADN de fèces des populations d'hippopotames vivant dans les différents cours d'eau suscités.
Remerciements
Nous remercions Messieurs Oumar KABORE, Lucien OUEDRAOGO et Moumouni NABALOUM géographes au Centre de Recherches Environnementale, Agricole et de Formation (CREAF) de Kamboinsé ainsi que les pěcheurs et les surveillants villageois de la Réserve de Biosphère de la Mare aux Hippopotames du Burkina Faso, pour leur précieuse collaboration. Nous remercions également Dr Alejandro Estrada éditeur exécutif de “Tropical Conservation of Science” pour sa tolérance et ses critiques qui nous nous ont permis d'améliorer cet article ainsi que les deux relecteurs anonymes qui ont bien voulu instruire notre manuscrit. Nos remerciements vont également à l'endroit des responsables des projets GEF-MAB/UNESCO et PAGEN qui ont financé cette étude.