Danièle Guinot, Peter K. L. Ng, Tohru Naruse, Valentin de Mazancourt
Zoosystema 46 (31), 775-811, (10 December 2024) https://doi.org/10.5252/zoosystema2024v46a31
KEYWORDS: morphological variability, ambulatory leg length, long-legged morph, short-legged morph, Neodorippe (Neodorippe) japonica var. taiwanensis, Heikea arachnoides, incipient speciation, molecular analysis, 16S rRNA, East Asia, variabilité morphologique, pattes ambulatoires, forme à pattes longues, forme à pattes courtes, Neodorippe (Neodorippe) japonica var. taiwanensis, Heikea arachnoides, cladogenèse, analyse moléculaire, ARNr 16S, Asie de l'Est
In the Dorippidae H. Milne Edwards, 1837, as revised by Holthuis & Manning (1990), ambulatory leg length, which is often utilised as a criterion for specific morphological differentiation, has proved to be a reliable character, even for the few cases where sexual dimorphism is observed in relative lengths. However, the discrepancies in the use of ambulatory leg length by these authors in the case of the iconic East Asian crab Heikeopsis japonica (von Siebold, 1824) is an issue that requires detailed study. The use of ambulatory leg length in dorippids has since been followed up by other researchers, but it is clear that there is a problem with this species. The taxonomy of the Heike-gani crab is therefore examined here in depth. In their revision, Holthuis & Manning (1990) did not discuss or resolve the problem that in H. japonica the first and second ambulatory legs are constantly and consistently long and narrow in adults of both sexes for most specimens in Japan, Taiwan and southern China, whereas the populations from the North China Sea have legs that are usually distinctly shorter and wider. Holthuis & Manning (1990) synonymised the long-legged Neodorippe (Neodorippe) japonica var. taiwanensis Serène & Romimohtarto, 1969 with Heikea japonica (von Siebold, 1824) but, in addition, recognised a new very long-legged species from the Inland Sea in Japan, H. arachnoides (Manning & Holthuis, 1986). While the first and second ambulatory legs of H. arachnoides are relatively longer than in the typical H. japonica from the other parts of Japan, the difference is slight, and the holotype is not a fully adult specimen. Much of the literature on H. japonica from Japan, China, Hong Kong, Taiwan, and Korea does not discriminate between the leg lengths, and most authors follow the prognosis of Holthuis & Manning (1990) for the taxonomy. To better understand the problem with leg lengths in H. japonica, we examined a large series of specimens of these different leg-morphs from across its distribution, including the types of the various taxa. We confirm here that Neodorippe (Neodorippe) japonica var. taiwanensis is a junior synonym of H. japonica s. str. We also show that Heikea arachnoides Manning & Holthuis, 1986, based on not fully-grown individuals, is clearly a junior synonym of H. japonica s. str. as we demonstrate here that subadults and juveniles usually have proportionately longer and more slender first and second ambulatory legs. Notably, while all adult specimens from northern Chinese waters have shorter legs in contrast to those from other areas, this character is not unique to them: there were some specimens from Japan, Taiwan and southern China that possess relatively shorter legs as well, and others that belonged to the typical long-legged morph. Detailed morphological examination (including gonopods) of hundreds of specimens and analysis of sequence data for the mitochondrial 16S rRNA gene did not reveal any significant characters that could be used to separate the two morphs. This may be one of the very first cases of incipient speciation or cladogenesis taking place in a widely distributed species, with the northern Chinese population beginning to be isolated, but not long enough for other morphological and/or genetic characters to manifest themselves.
L'identité du crabe japonais iconique «Heike-gani», Heikeopsis japonica (von Siebold, 1824) (Crustacea, Decapoda, Brachyura, Dorippidae).
Chez les Dorippidae H. Milne Edwards, 1837, tels que révisés par Holthuis & Manning (1990), la longueur des pattes ambulatoires, souvent utilisée comme critère de différenciation morphologique spécifique, s'est avérée être un caractère fiable, même dans les rares cas où un dimorphisme sexuel est observé dans les longueurs relatives. Cependant, les divergences dans l'utilisation de la longueur des pattes ambulatoires par ces auteurs dans le cas du crabe emblématique d'Asie orientale Heikeopsis japonica (von Siebold, 1824) est une question qui nécessite une étude détaillée. La longueur des pattes ambulatoires a continué à être utilisée par d'autres chercheurs, mais il est clair qu'il y a un problème avec cette espèce. La taxonomie du crabe Heike-gani est donc examinée ici en détail. Dans leur révision, Holthuis & Manning (1990) n'ont pas discuté ni résolu le problème selon lequel chez H. japonica les première et deuxième pattes ambulatoires des adultes des deux sexes sont constamment et régulièrement longues et étroites chez la plupart des spécimens du Japon, de Taiwan et de Chine du Sud, alors qu'elles sont généralement nettement plus courtes et plus larges dans les populations de la mer de Chine du Nord. Holthuis & Manning (1990) ont mis en synonymie Neodorippe (Neodorippe) japonica var. taiwanensis Serène & Romimohtarto, 1969 avec Heikea japonica (von Siebold, 1824) et, en outre, ont reconnu une nouvelle espèce à très longues pattes dans la Mer intérieure du Japon, H. arachnoides (Manning & Holthuis, 1986). Bien que les première et deuxième pattes ambulatoires de H. arachnoides soient relativement plus longues que celles de l'espèce typique H. japonica d'autres régions du Japon, la différence est faible, et l'holotype n'est pas un spécimen complètement adulte. Une grande partie de la littérature concernant H. japonica du Japon, de Chine, de Hong Kong, de Taïwan et de Corée ne fait pas de distinction entre la longueur des pattes, et la plupart des auteurs suivent la diagnose de Holthuis & Manning (1990). Pour mieux comprendre le problème de la longueur des pattes chez H. japonica, nous avons examiné une grande série d'individus des différents morphes de pattes provenant de l'ensemble de sa distribution, y compris les types des différents taxons. Nous pouvons confirmer que Neodorippe (Neodorippe) japonica var. taiwanensis est un synonyme junior de H. japonica s. str. Nous montrons également que Heikea arachnoides (Manning & Holthuis, 1986), décrit sur la base d'individus n'ayant pas atteint leur maturité, est indubitablement un synonyme junior de H. japonica s. str. car il est démontré ici que les subadultes et les juvéniles ont généralement les première et deuxième pattes ambulatoires proportionnellement plus longues et plus fines. Malheureusement, alors que tous les spécimens adultes des eaux du nord de la Chine ont des pattes plus courtes que ceux des autres régions, ce caractère ne leur est pas exclusif: quelques spécimens du Japon, de Taiwan et du sud de la Chine possèdent également des pattes relativement plus courtes, bien que la plupart d'entre eux appartiennent au morphe typique à longues pattes. Un examen morphologique détaillé (y compris des gonopodes) de centaines d'individus et l'analyse des données de séquence du gène mitochondrial ARNr 16S n'ont pas permis de révéler de caractères significatifs pouvant être utilisés pour distinguer les deux morphes. Il pourrait s'agir de l'un des tout premiers cas observés de spéciation ou de cladogenèse naissante chez une espèce largement répandue, la population du nord de la Chine étant au début du processus d'isolement, mais pas depuis assez longtemps pour que d'autres caractères morphologiques et/ou génétiques apparaissent.